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6587. — À MADAME DE FLORIAN.
24 novembre.

Chère nièce et chers neveux, Mme de Florian a donc toujours la goutte aux trois doigts dont on écrit, et ne peut donner jamais le moindre signe de vie à un oncle qui l’aime tendrement ? Pour vous, monsieur son mari, c’est autre chose ; vous répondez exactement, vous dites des nouvelles aux absents, vos lettres sont instructives.

Et vous, mon gros et cher neveu, qui êtes actuellement enfoncé jusqu’au cou dans des papiers terriers, prètez-moi vos secours et vos lumières pour résister à des ifs de moines qui veulent opprimer maman Denis et moi. Quand vous aurez voix délibérative dans la première classe du parlement de France, faites-moi une belle et bonne cabale contre tous ces ifs de moines[1] ; défaites-nous de cette vermine qui ronge le royaume ; donnez de grands coups d’aiguillon dans le maigre cul de l’abbé de Chauvelin. C’est peu de chose ; ce n’est pas assez d’avoir chassé les jésuites, qui du moins instruisaient la jeunesse, pour conserver des sangsues qui ne sont bonnes à rien qu’à s’engraisser de notre sang.

Nous sommes actuellement dans le climat de Naples, nous serons au mois de décembre dans celui de Sibérie. Et vous, quand sortirez-vous de votre séjour paisible pour le séjour tumultueux, frivole, et crotté, de Paris, la grande ville ?

Je vous embrasse tous trois de toutes les forces de mon âme, et de mes bras longs et menus.


6588. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
24 novembre.

J’ai encore fatigué aujourd’hui mes anges, et ma lettre est partie adressée à M. Marin, le tout après avoir dépêché depuis cinq jours trois paquets à M. le duc de Praslin.

Pourquoi donc, direz-vous, nous assommer encore de cette

  1. La Chalotais, dans l’un de ses Mémoires, rapporte qu’on lui attribuait, un billet adressé au comte de Saint-Florentin, et qui commençait ainsi « Tu es un iff, aussi bien que les douze iff. » Il est à croire que c’est à ce passage que Voltaire fait allusion. (B.)