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ANNÉE 1766.

contre moi les prêtres et les autres gueux[1] de Genève, et pour me faire sortir des Délices. M. Tronchin est très-instruit d’une partie de cette intrigue, et j’ai les preuves de l’autre. Il n’y a jamais eu de pareil monstre dans la littérature, pas même Fréron ; voilà ce qu’il faut qu’on sache. Je me reprocherais de m’être même moqué de ce polisson, si je n’étais justifié par ses scélératesses. Je vous prie d’envoyer ce petit billet à M. de Marmontel. J’espère qu’enfin l’abbé Coyer rendra gloire à la vérité.

Je vous embrasse aussi tendrement que faire se peut.



6586. — À M. MARMONTEL.
24 novembre.

Je suis en peine de savoir, mon cher confrère, si vous avez reçu un paquet que je fis partir vers le 9 ou 10 de ce mois, sous l’enveloppe de Mme Geoffrin. J’ignore même si elle est arrivée : c’est ce qui fait que je vous écris par une autre voie. Je me meurs d’envie de voir Bélisaire[2]. J’ai toujours dans la tête que ce sera votre chef-d’œuvre.

Je dois vous apprendre que j’ai beaucoup trop ménagé ce malheureux Jean-Jacques. Il faut que vous connaissiez ce monstre. Il n’avait écrit contre la comédie[3] (lui qui n’a fait que de bien mauvaises comédies) que pour soulever contre moi les prêtres et les autres gueux de Genève. Il était au désespoir que j’eusse une jolie maison près d’une ville où il était abhorré de tous les honnêtes gens. Apprenez cette anecdote à M. d’Alembert. M. le docteur Tronchin a les preuves en main. Je sais que tout cela est triste pour la littérature ; mais il faut couper un membre gangrené.

Je vous demande en grâce de me donner des nouvelles de mon paquet. Je vous embrasse le plus tendrement du monde.

    parler des représentations théâtrales. Voltaire, au reste, veut parler de la lettre de J.-J. Rousseau à M. d’Alembert, sur son article Genève, dans le septième volume de l’Encyclopédie, et particulièrement sur le projet d’établir un théâtre de comédie en cette ville ; 1758, in-8o.

  1. Le mot autres est restitué d’après le manuscrit.
  2. Romande Marmontel, à l’occasion duquel Voltaire composa l’Anecdote sur Bélisaire (voyez tome XXVI, page 109) ; la Seconde Anecdote sur Bélisaire (voyez tome XXVI, page 169) ; Lettre de Gérofle et Cogé (voyez ibid.,) page 449) ; la Défense de mon maître (voyez ibid., page 529) ; il en parle aussi dans plusieurs autres écrits.
  3. Dans sa lettre à d’Alembert.