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6559. — À M. LACOMBE[1].
3 novembre.

Je me flatte, monsieur, qu’il y a en chemin quelque paquet de vous, et que vous n’avez pas abandonné mon ami.

Je vous prie de me dire quel est l’auteur des Plagiats de J.-J. Rousseau[2]. Ce livre se débite chez Durand, rue Saint-Jacques. Faites-moi le plaisir de vous en informer.

Savez-vous quel est l’imprimeur du procès de l’ingrat Jean-Jacques contre son bienfaiteur M. Hume ? On dit que les pièces du procès couvrent Jean-Jacques de ridicule et d’opprobre, et qu’enfin ce Diogène genevois est démasqué.

Adieu, monsieur, n’oubliez pas un bomme qui vous aime véritablement.


6560. — À M. DE CHABANON.
À Ferney, 3 novembre.

Vous êtes donc, monsieur, tout à travers les ruines de l’empire romain, et vous faites pleurer votre Eudoxie sur les décombres de Rome. Quand aurai-je le plaisir de mêler mes larmes aux siennes ? quand pourrai-je lire cet ouvrage, auquel je m’intéresse presque autant qu’à son auteur ? Quelque bon qu’il soit, il sera fort difficile qu’il soit aussi aimable que vous.

Vous prétendez donc que j’ai été amoureux dans mon temps tout comme un autre ? Vous pourriez ne vous pas tromper. Quiconque peint les passions les a ressenties, et il n’y a guère de barbouilleur qui n’ait exploité ses modèles. Voyez J.-J, Rousseau : il traîne avec lui la belle Mlle Levasseur, sa blanchisseuse, âgée de cinquante ans, à laquelle il a fait trois enfants, qu’il a pourtant abandonnés pour s’attacher à l’éducation du seigneur Émile, et pour en faire un bon menuisier. C’est un grand charlatan et un grand misérable que ce J.-J. Rousseau. J’aime mieux la charlatane Mlle Durancy, qui enchante le public, et à laquelle vous confierez probablement le rôle d’Eudoxie ou Eudocie.

Jouissez, monsieur, de tous vos talents, qui font votre gloire et votre bonheur. Jouissez de vos passions, partagez-vous entre le travail et les plaisirs, et n’oubliez pas un vieux solitaire si sensiblement pénétré de tout ce que vous valez.

Mme Denis vous fait mille tendres compliments.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Dom Cajot, bénédictin.