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ANNÉE 1766.

sanne, où elle est au pain des pauvres. Je sais que votre bonté, qui ne s’est point lassée, s’est employée encore en faveur de cette famille infortunée. Vous avez fait ce que vous avez pu pour lui obtenir grâce entière et pour lui faire rendre son bien. Vous en avez parlé à M. de Saint-Florentin, et je suis bien surpris que son humauité ait résisté à vos sollicitations généreuses. Je le crois actuellement adouci, et l’on me fait espérer qu’un mot de votre bouche achèvera de le rendre favorable à une si juste demande.

Permettez donc que je vous supplie de vouloir bien encore lui parler de cette affaire, avec ce don de la persuasion que la nature vous a donné parmi tant d’autres.

Vous verrez incessamment le mémoire de M. de Beaumont en faveur d’une famille encore plus malheureuse ; vous en jugerez. Votre suffrage servira beaucoup à déterminer celui du public, et par conséquent celui du conseil. Le style et le fond des choses sont également soumis à votre pénétration. Je ne suis que voire confrère à l’Académie, mais je vous reconnais pour mon supérieur en tout le reste. J’achève ma vie sans avoir le bonheur de vous faire ma cour ; mais ce n’est pas sans vous être sincèrement attaché.

Je suis avec un profond respect, monseigneur, etc.


6526. — À M. VERNES.
Septembre.

Voici, monsieur, où en est l’affaire de cette malheureuse et innocente famille des Sirven. Il a fallu deux années de soins et de peines réitérées pour rassembler en Languedoc les pièces justificatives. Nous les avons enfin arrachées. Le mémoire de M. de Beaumont est déjà signé par plusieurs avocats ; nous avons déjà demandé un rapporteur ; M. le duc de Choiseul nous protège ; il m’écrit ces propres mots de sa main, dans la dernière lettre dont il m’honore : « Le jugement des Calas est un effet de la faiblesse humaine, et n’a fait souffrir qu’une famille ; mais la dragonnade de M. de Louvois a fait le malheur du siècle. »

Avouez, monsieur le curé huguenot, que M. le duc de Choiseul est une belle âme, et que ces paroles doivent être gravées en lettres d’or. Pour celles de Vernet[1], si on peut les écrire, ce n’est qu’avec la matière dont Ezéchiel faisait son déjeuner. Quant

  1. Lettres critiques d’un voyageur anglais ; voyez la note, tome XXV, page 492.