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rage de vous parler de votre jeune homme. J’avais une cinquantaine de corrections à vous l’aire tenir de sa part ; ce sera pour une autre occasion. Vous pouvez compter qu’il songera très-sérieusement à tout ce que vous lui faites l’honneur de lui dire ; il est aussi docile à vos avis que sensible à vos bontés.

Nous avons ce soir Mlle  Clairon. J’aurais bien d’autres choses à vous communiquer, mais vous savez qu’on est privé de la consolation d’ouvrir son cœur. Respect et tendresse.


6075. — À M.  LE. MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI.
À Ferney, 29 juillet.

C’est une grande consolation, monsieur, dans ma vieillesse infirme, de recevoir de vous le beau recueil[1] dont vous m’avez honoré. Votre présent est venu bien à propos, je peu encore lire dans les beaux jours de l’été. J’ai déjà lu votre traduction de Phèdre ; et j’ai parcouru tout le reste, que je vais lire très-attentivement. Je suis toujours étonné de la facilité avec laquelle vous rendez vers pour vers une tragédie tout entière. Votre style est si naturel qu’un étranger qui n’aurait jamais entendu parler de la Phèdre de Racine, et qui aurait appris parfaitement l’italien et le français, serait très-embarrassé à décider laquelle des deux pièces est l’original. Il faut vous avouer que les Français n’ont jamais eu de traductions pareilles en aucun genre : cet avantage, que vous possédez, ne vient pas seulement de l’heureuse flexibilité de la langue italienne, il est dû à votre génie.

Je trouve, monsieur, que votre préface est une belle réponse aux ardélions : elle doit vous faire aimer de vos inférieurs, et vous faire respecter de vos égaux. J’ai entrevu, par ce que vous dites sur Idoménée, qu’en effet vous aviez trop honoré un ouvrage qui ne méritait pas vos soins : ce qui est méprisé chez nous ne doit pas être estimé en Italie.

Permettez que je joigne ici les éloges et les remerciements que je dois à M. Paradisi : il me parait bien digne de votre amitié ; vous ne pouviez être mieux secondé dans la culture des beaux-arts. On disait autrefois, dans les temps d’ignorance : Bononia docet ; on doit dire aujourd’hui, grâce à vous, dans le temps du gpût et de l’esprit  : Bononia placet.

  1. Les traductions en italien, par Albergati Capacelli, de Phèdre et d’Idoménée ; et, par Paradisi, de la Mort de César et de Tancrède.