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votre amitié, détestez le fanatisme, écrivez-moi quand vous n’aurez rien à faire, et que vous aurez quelque chose à m’apprendre. Ma vie serait heureuse dans mes déserts, si les gens de lettres étaient moins malheureux dans le pays où vous êtes.

Comptez surtout sur mon amitié inaltérable.


6473. — À FRÉDÉRIC,
Landgrave de Hesse-Cassel.
À Ferney, le 25 auguste.

Monseigneur, pourquoi mon âge et mes maux me réduisent-ils à ne remercier Votre Altesse sérénissime qu’en lui écrivant ! pourquoi suis-je privé de la consolation de vous faire ma cour ! J’ai été pénétré au fond du cœur de voir en vous un prince philosophe. La justesse de votre esprit et la vérité de vos sentiments m’ont charmé. Votre façon de penser semble réparer les actions tyranniques que la superstition a fait commettre à tant de princes. Vous êtes éclairé et bienfaisant. Que de princes ne sont ni l’un ni l’autre ! mais en récompense ils ont un confesseur, et ils gagnent le paradis en mangeant le vendredi pour deux cents écus de marée.

Votre Altesse sérénissime m’a attaché à elle ; je ne souhaite de la santé que pour m’aller mettre à ses pieds. Je ne vais jamais à la ville de Calvin ; mais je veux aller à la capitale d’un prince qui connaît Calvin, et qui le méprise. Puisse la nature m’en donner la force comme elle m’en donne le désir !

Votre Altesse sérénissime m’a paru avoir envie de voir les livres nouveaux qui peuvent être dignes d’elle. Il en paraît un intitulé le Recueil nécessaire[1]. Il y a surtout dans ce Recueil un ouvrage de milord Bolingbroke, qui m’a paru ce qu’on a jamais écrit de plus fort contre la superstition. Je crois qu’on le trouve à Francfort ; mais j’en ai un exemplaire broché que je lui enverrai, si elle le souhaite, soi ! par la poste, soit par les chariots.

  1. Le Recueil nécessaire, à Leipzig, 1765, in-8o, contient : 1° Avis de l’éditeur ; 2° Analyse de la religion chrétienne (sous le nom de Dumarsais) ; 3° le Vicaire savoyard, tiré de l’Émile de Rousseau ; 4° Catéchisme de l’Honnête Homme (voyez tome XXIV, page 523) ; 5° Sermon des Cinquante (voyez tome XXIV, page 437) ; 6° Examen important, par milord Bolingbroke (c’est-à-dire par Voltaire ; voyez tome XXVI, page 195) ; 8° Dialogue du Douteur et de l’Adorateur (Voyez tome XXV, page 129) ; 8° Les dernières paroles d’Épictète à son fils (voyez tome XXV, page 125) ; 9° Idées de La Mothe Le Voyer (voyez tome XXIII, page 489).