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ANNÉE 1766.

pas sitôt ; mais il partira. L’incluse, à laquelle je vous prie de donner cours, est pour un homme qui est honnête malgré sa profession. Je ne peux pas écrire aujourd’hui fort au long, parce que je suis un peu malade. Je n’ai point changé de sentiment, ni ne changerai. C’est ainsi que mon amitié pour vous est faite.


6468. — À M.  D’ALEMBERT.
25 auguste.

Le roi de Prusse, mon cher philosophe, me mande[1] qu’il aurait condamné ces cinq jeunes gens à marcher quinze jours chapeau bas, à chanter des psaumes, et à lire quelques pages de la Somme de saint Thomas. Gardez-vous bien de dire à qui il a écrit ce jugement de Salomon. Il faut qu’on tourne les yeux vers le Nord, le Midi n’a que des marionnettes barbares. Vous savez qu’on vient de donner en Scythie le plus beau, le plus galant, le plus magnifique carrousel[2] qu’on ait jamais vu : mais on n’y a brûlé personne pour n’avoir pas ôté son chapeau. Je suis fâché que vous ne soyez pas là. Tout ce que j’apprends de votre pays fait hausser les épaules et bondir le cœur. Je crois que vous verrez bientôt le mémoire d’Élie de Beaumont en faveur des Sirven, et que vous en serez plus content que de celui des Calas.

Je recommande les Sirven à votre éloquence. Parlez pour eux à ceux qui sont dignes que vous leur parliez ; échauffez les tièdes : c’est une belle occasion d’inspirer de l’horreur pour le fanatisme.

Si vous avez oublié l’ami Vernet, voici une occasion de vous souvenir de lui. On dit que cette autre tête de bœuf dont la langue doit être fumée[3] mugit beaucoup contre moi. En avez-vous ouï dire quelque chose ? Je brave ses beuglements et ceux des monstres qui peuvent crier avec lui. J’ai peu de temps à vivre, mais je ne mourrai pas la victime de ces misérables. Je mourrai en souhaitant que la nature fasse naître beaucoup de Français comme vous, et qu’il n’y ait plus de Welches.

Je voulais vous envoyer une facétie sur Vernet[4], je ne la retrouve point ; la perte est médiocre.

  1. C’est la lettre 6450.
  2. Ce carrousel fut le sujet d’une ode que Voltaire intitula Galimalias pindarique ; voyez tome VIII.
  3. Pasquier ; voyez lettre 6413.
  4. La Lettre curieuse de Robert Covelle ; voyez tome XXV, page 491.