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cris ne sont pas inutiles, ils effrayent les animaux carnassiers, au moins pour quelque temps.

Adieu, mon cher frère ; je vous embrasse toujours avec autant de douleur que de tendresse.


6418. — À M.  DAMILAVILLE.
Aux eaux de Rolle en Suisse, par Genève, 21 juillet.

Je ne me laisse point abattre, mon cher frère ; mais ma douleur, ma colère, et mon indignation, redoublent à chaque instant. Je me laisse si peu abattre que je prendrai probablement le parti d’aller finir mes jours dans un pays[1] où je pourrai faire du bien. Je ne serai pas le seul. Il se peut faire que le règne de la raison et de la vraie religion s’établisse bientôt, et qu’il fasse taire l’iniquité et la démence. Je suis persuadé que le prince qui favorisera cette entreprise vous ferait un sort agréable si vous vouliez être de la partie. Une lettre de Protagoras pourrait y servir beaucoup. Je sais que vous avez assez de courage pour me suivre ; mais vous avez probablement des liens que vous ne pourrez rompre.

J’ai commencé déjà à prendre des mesures ; si vous me secondez, je ne balancerai pas. En attendant, je vous conjure de prendre au moins, chez M. de Beaumont[2], le précis de la consultation, avec les noms des juges. Je n’ai vu personne qui ne soit entré en fureur au récit de cette abomination.

Comme je serai encore quelque temps aux eaux de Suisse, je vous prie d’adresser vos lettres à M.  Boursier, chez M. Souchai, à Genève, au Lion d’or.

Mon cher frère, que les hommes sont méchants, et que j’ai besoin de vous voir !


6419. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[3].
À Ferney, 22 juillet, 1766.

Madame, c’en est trop, votre générosité est trop grande ; mais il faut avouer que Votre Altesse sérénissime ne pouvait mieux placer ses bienfaits que sur cette famille infortunée. Il n’en a

  1. Le pays de Clèves ; voyez la lettre 6409.
  2. L’avocat Élie de Beaumont.
  3. Éditeurs, Bavoux et François. — Ces éditeurs ont placé à tort cette lettre à l’année 1760.