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ANNÉE 1766.

sonné. On dit qu’il y a un curé de village d’auprès de Besançon[1] qui y avait fait une réponse ; mais que, toutes réflexions faites, on l’a prié de la supprimer, parce que la défense était beaucoup plus faible que l’attaque.

Le bâillon de Lally a révolté jusqu’à la populace, et l’énoncé de l’arrêt a paru bien absurde à tous ceux qui savent lire. Je suis persuadé, comme vous, que Lally n’était point traître, car l’arrêt n’aurait pas manqué de le dire ; et trahir les intérêts du roi ne signifie rien, puisque c’est trahir les intérêts du roi que de frauder quelques sous d’entrée : ce qui, à mon avis ne mérite pas la corde. Je crois bien que ce Lally était un homme odieux, un méchant homme, si vous voulez, qui méritait d’être tué par tout le monde, excepté par le bourreau. Les voleurs du Canada étaient bien plus dignes de la hart ; mais ils avaient des parents premiers commis, et Lally n’avait pour parents que des prêtres irlandais, à qui il ne reste d’autres consolations que de dire force messes pour lui. Quoi qu’il en soit, qu’il repose en paix, et que ses respectables juges nous y laissent !

Je n’ai point vu l’actrice nouvelle[2] par qui on prétend que Mlle Clairon sera remplacée ; mais j’entends dire qu’elle a en effet beaucoup de talent, d’âme, et d’intelligence ; qu’elle n’a que des défauts qui se perdent aisément, mais qu’elle a toutes les qualités qui ne s’acquièrent point. Pour Mlle Clairon, elle a absolument quitté le théâtre, et a très-bien fait ; il faut en ce monde-ci avoir le moins de tyrans qu’il est possible, et il ne faut pas rester dans un état que tout concourt à avilir. Elle a pourtant joué dans une maison particulière le rôle d’Ariane, pour le prince de Brunswick, qui en a été enchanté. Ce prince de Brunswick a été ici fort goûté et fort fêté de tout le monde, et il le mérite.

Il y a un gros prince de Deux-Ponts qui a commandé dans la dernière guerre l’armée de l’Empire, et qui durant la paix protège Fréron et autres canailles. Ledit prince trouve très-mauvais qu’on accueille le prince de Brunswick, et qu’on ne le regarde pas, lui, gros et grand seigneur, héritier de deux électorats, et surtout, comme vous voyez, amateur des gens de mérite ; c’est que, par malheur, le prince de Brunswick a de la gloire, et que le gros prince de Deux-Ponts n’en a point.

Oui, j’ai lu dans son temps la Prédication de l’abbé Coyer[3], et je crois qu’après la prédication même c’est un des livres les plus inutiles qui aient été faits.

Je crois aussi que la Préface de l’Histoire de l’Église est de votre ancien disciple[4] ; il y a des erreurs de fait, mais le fond est bon. Quant à l’ouvrage, il est maigre ; mais il est aisé de lui donner de l’embonpoint dans une seconde édition, et c’est un corps de bon tempérament qui ne demande qu’à devenir gros et gras. Je présume qu’il le deviendra ; la carcasse est

  1. N.-S. Bergier, curé de Flangebouche en Franche-Comté, publia sa Réponse en 1767 ; voyez la note, tome XXVII, page 35.
  2. Mlle Sainval aînée ; voyez lettre 6364.
  3. Voyez lettre 6364.
  4. Voyez ibid.