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CORRESPONDANCE.

qui font la consolation de mes derniers jours, et que Votre Altesse sérénissime daigne agréer le profond respect et l’attachement inviolable que je lui conserverai jusqu’au dernier moment de ma vie.


6372. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
22 juin.

Mon âme est entièrement réformée à la suite de mes anges ; je pense entièrement comme eux. Il faut donner la préférence à l’impression sur la représentation ;


Le temps ne fait rien à l’affaire[1] ;


et si l’ouvrage est passable, il sera donné toujours assez tôt. Je remercie mes anges de leurs nouvelles critiques ; j’en ai fait aussi de mon côté, et j’en ferai, et je corrigerai jusqu’à ce que la force de la diction puisse faire passer l’atrocité du sujet. On peut encore ajouter aux notes, que vous avez jugées assez curieuses. Il n’est pas difficile de donner aux proscriptions hébraïques un tour qui désarme la censure théologique. Ce n’est point la vérité qui nous perd, c’est la manière de la dire. Ne vous lassez point de me renvoyer ces manuscrits, qui sont si fort accoutumés à voyager.

Je voudrais bien savoir si M.  le duc de Praslin et M.  de Chauvelin ont été contents. Il est clair que vos suffrages et le leur, donnés sans enthousiasme et sans séduction, après une lecture attentive, doivent répondre de l’approbation du public éclairé. On est bien loin de compter sur un succès pareil à celui du Siège de Calais, ni sur celui qu’aura la comédie de Henri IV. suffit qu’un ouvrage bien conduit et bien écrit ait un petit nombre d’approbateurs ; le petit nombre est toujours celui des élus.

Nous sommes bien heureux, mes anges, d’avoir des philosophes qui n’ont pas la prudente lâcheté de Fontenelle[2]. Il paraît un livre intitulé Examen critique des Apologistes, etc., par Fréret. Je ne suis pas bien sûr que Fréret en soit l’auteur[3], mais je suis sûr que c’est le meilleur livre qu’on ait encore écrit sur ces matières. Les provinces sont garnies de cet ouvrage ; vous n’êtes

  1. Misanthrope, acte I, scène ii.
  2. Fontenelle disait que s’il avait la main pleine de vérités il se garderait bien de l’ouvrir.
  3. Voyez lettre 6306.