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CORRESPONDANCE.
6369. — DE M. HENNIN[1].
Genève, le 21 juin 1766.

Je vous ai vu, monsieur, si touché du sort des jeunes gens d’Abbeville[2] que je crois devoir vous faire part d’une circonstance que vous ignorez. Après avoir jugé leur délit conformément aux lois de saint Louis, on a suspendu la signature de la sentence pour donner aux parents le temps de recourir au roi, qu’on espère qui commuera leur peine.

En arrivant hier de Ferney, j’ai trouvé ici un de mes anciens amis qui a, je crois, l’honneur d’être connu de vous : c’est M. Vatel, auteur d’un bon ouvrage sur le droit des gens, mais plus estimable encore par la candeur de son âme et la sagesse de son esprit. Il a avec lui une très-jolie Polonaise dont il a fait sa femme. L’un et l’autre m’ont prié de vous les présenter, et, si vous le permettez, nous prendrons un des jours de la semaine prochaine.

Je voudrais bien arriver toujours à Ferney remparé d’un élu tel que celui que j’ai conduit hier ; mais comme il est plusieurs demeures dans le palais de l’Éternel, les gens de mérite et les jolies femmes y auront sans doute leur coin. H.


6370. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[3].
21 juin.

M. Noursier[4] me mande, mon respectable philosophe, qu’il vous a dépêché par la voie de Lyon et de Limoges un petit paquet de raretés du pays. Je vous en donne avis, quoiqu’il soit vraisemblable que vous recevrez le paquet avant ma lettre. Les paquets vont en droiture, et les lettres passent par Paris, ce qui fait cent lieues de plus, et opère un retardement considérable, sujet à beaucoup d’inconvénients.

M. Boursier m’assure qu’il aura toujours soin de vous faire parvenir toutes les choses que vous paraissez désirer ; il vous est tendrement attaché. Il est vrai qu’on peut lui reprocher un peu de paresse ; mais on doit l’excuser : il traîne une vie fort languissante et est très-rarement en état d’écrire.

Je reçois dans ce moment une de vos lettres, par laquelle vous me mandez que princes et princesses peuvent passer dans nos déserts. Ces déserts sont bien indignes d’eux ; il n’y a plus

  1. Correspondance inédite da Voltaire avec P.-M. Hennin, 1825.
  2. Le chevalier de La Barre et Morival d’Étallonde.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.
  4. Pseudonyme de Voilaire.