quinze jours. Il est bon d’ailleurs d’accorder du temps au zèle de ce jeune homme. Il dit que la scène des deux tyrans ne fera jamais un bon effet, parce qu’une conférence entre deux méchants hommes n’intéresse point ; mais elle peut attacher par la grandeur de l’objet et par la vérité des idées, surtout si elle est bien dialoguée et bien écrite. Selon lui, c’est la scène de Julie[1] errante dans les rochers de cette île triumvirale qui doit intéresser ; mais il faut des actrices.
Monsieur, les deux dissertations adressées à la Société économique de Pétersbourg, pour lesquelles vous vous intéressez, sont arrivées à leur destination ; mais la lecture n’en sera faite qu’après mon retour, vu que la plupart des membres sont absents.
Catherine Seconde a déjà de grandes obligations au neveu de l’abbé Bazin pour tout ce qu’il met de flatteur sur son compte. Si elle savait sa demeure, elle s’adresserait à lui pour le prier instamment de l’augmenter en lui envoyant tout sans qu’il y manque une ligne, tout ce qui jamais sortit de la plume respectable de son oncle et de la sienne : car, quelque avide qu’on soit au soixantième degré pour ses productions, il est impossible qu’il ne nous en échappe, perte à laquelle nous sommes très-sensible. Monsieur, je ne connais point le neveu de l’abbé, mais si vous parvenez à le déterrer et à le persuader de m’envoyer tous ses écrits anciens et nouveaux bien complètement, vous ajouterez à ma reconnaissance. Il vous paraîtra peut-être étrange que je m’adresse si souvent à vous avec toutes sortes de commissions ; vous direz : Elle n’a qu’un moyen, elle l’emploie toujours, et par malheur il tombe sur moi. Mais, monsieur, il n’est pas donné à tout le monde d’avoir une imagination inépuisable et une gaieté de vingt ans ; il est plus aisé d’admirer ces talents que de les imiter : c’est une vérité universelle reconnue depuis le Midi jusqu’au Nord. Mais ce qui malheureusement ne l’est pas de même, c’est que ce Nord ait aussi supérieurement raison que M. Bourdillon, professeur de Bâle, vient de le démontrer. Il est vrai que l’on peut bien lui dire qu’il n’a pas raison, mais je défie de le prouver aux honnêtes gens, pas même par les formalités usitées de l’Inquisition, dont j’ai lu le Manuel ; et en le lisant, j’ai fait la réflexion qu’il est étonnant qu’il y a eu des gens qui ont si peu rangé la raison de leur côté : c’est, je crois, ce qui a fait choir plus d’un édifice. Quand je dis la raison,