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ANNÉE 1766.

Vous voyez que j’ai avec vous le cœur sur les lèvres ; voilà cette franchise parisienne que vous avez louée, ce me semble, et qui doit plaire à la franchise franc-comtoise. C’est une consolation pour moi de m’entretenir aussi librement avec vous. J’ai eu besoin depuis quelque temps de me remettre à relire vos Tusculanes et le De Natura deorum, pour me confirmer dans l’opinion où je suis que jamais philosophe, ancien et moderne, n’a mieux parlé que Cicéron. J’aime bien mieux ces ouvrages-là que ses Philippiques, qui l’ont fait tuer à l’âge de soixante-trois ans.

Adieu ; vivez heureux et longtemps, mon cher maître, et souvenez-vous du mot de votre ami Marcus Tullius : Non est vetula quæ credat.


6308. — À M. DAMILAVILLE.
4 avril.

Mon cher ami, il n’y a qu’une pauvre petite lettre à la poste d’Italie pour M. d’Alembert. Je la lui ai envoyée dans un paquet adressé à M. d’Argental, qui demeure dans son quartier.

Je saurai demain si vous avez reçu une lettre adressée ; à M. d’Auch[1], ou plutôt à frère Patouillet, auquel il n’avait fait que prêter son nom.

M. Thomas m’a envoyé l’Éloge de M. le dauphin[2]. Il y a de l’éloquence et de la philosophie. Il n’est pas vraisemblable qu’il ait attribué à ce prince des qualités et des connaissances qu’il n’aurait pas eues ; il se serait décrédité auprès des honnêtes gens. Enfin, de tout ce que j’ai lu sur ce triste événement, il est le seul qui m’ait instruit et qui m’ait fait plaisir. Il y a quelques défauts dans son ouvrage ; mais, en général, c’est un homme qui pense beaucoup, et qui peint avec la parole.

En lisant le Dictionnaire, je m’aperçois que le chevalier de Jaucourt en a fait les trois quarts. Votre ami[3] était donc occupé ailleurs ? Mais, par charité, dites-moi pourquoi ce livre, qui, à mon gré, est nécessaire au monde, n’est pas encore entre les mains des souscripteurs ? Au nom de qui l’examine-t-on ? qui sont les examinateurs ? quelles mesures prend-on ?

Vous m’aviez bien dit que la comédie[4] que vous m’aviez

  1. Voyez la note 3, page 257.
  2. Voltaire publia peu après un Petit Commentaire sur cet ouvrage de Thomas ; voyez tome XXV, page 471.
  3. Diderot.
  4. Le Philosophe sans le savoir, de Sedaine.