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les mains des Genevois de cette classe, de façon que, sans jouir des prérogatives de la noblesse, les propriétaires n’eussent aucune des gênes de la roture. Les états du pays nommeraient un receveur de cette taxe genevoise, et je suis bien sûr qu’elle serait la plus exactement payée.

Je ne sais pas, monsieur, si je pourrai engager MM. Lullin et Tronchin à aller dimanche à Ferney ; mais, tôt ou tard, je tâcherai de les réunir chez vous pour traiter un objet aussi important pour cette contrée. Au reste, les Genevois ont très-peu à faire en ceci. C’est à nous de leur ouvrir la porte, et ils entreront d’eux-mêmes. Peut-être ne serait-il pas à propos que cela se fit avec une sorte de publicité dans ce moment.

En attendant, je vais travailler à un mémoire pour être mis sous les yeux du roi et de son conseil, et je vous serai obligé de me communiquer vos idées. Vous savez qu’on ne saurait présenter trop de motifs pour faire adopter une nouveauté aux personnes accoutumées à chercher d’abord les inconvénients de tout ce qu’on leur propose. C’est, et ce sera toujours l’esprit du ministère. S’il retarde quelquefois les progrès du bien, il arrête les efforts de l’intérêt particulier, et empêche que l’engouement des faiseurs de projet et de leurs amis n’accumule les changements.

Peut-être, monsieur, la présence de M. le chevalier de Beauteville[1] serait-elle favorable au succès de cette affaire. Du moins, ferai-je tout ce qui dépendra de moi pour la lui présenter sous l’aspect qui vous a frappé ainsi que moi. Puisque l’argent est devenu le point d’appui des États, il me semble que ceux qui aiment leur patrie doivent s’occuper de lui en procurer, et quel moyen plus honnête que d’inviter l’étranger opulent à confier ses fonds à notre terre ?

Je m’estime heureux, monsieur, d’avoir à traiter une affaire qui vous intéresse ainsi que Mme Denis ; l’amitié ajoutera encore de la force à mes raisons ; mais le meilleur moyen de réussir en ceci, comme en beaucoup d’autres choses, c’est de supposer que les obstacles seront grands et multipliés.

Si l’amitié, monsieur, ne se paye que par l’amitié, vous êtes dans l’ordre, et je m’en félicite. H.


6282. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
2 mars.

Je fais aussi des quiproquo, mes anges. J’ai écrit une seconde lettre à M. Jabineau, pour le conjurer de ne point tant révéler la turpitude des empereurs chretiens, qui attachèrent de l’infamie à des choses estimables. J’ai tâché de faire voir qu’il y a

  1. Le chevalier de Beauteville, ambassadeur de France en Suisse, venait d’être nommé ministre plénipotentiaire chargé de la médiation pour l’arrangement des affaires de la répibluque Genève. MM. Ouspourguer et Sinner furent les médiateurs du canton de Berne ; MM. Escher et Heidegger, ceux de Zurich. (Note de Hennin fils.)