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donné un billet de cinq cents livres de Merlin, payable à l’ordre dudit Wagnière. Cela s’arrangera vers les échéances. Je compte que, tout philosophe que vous êtes, vous avez de l’ordre, étant employé dans les finances.

Ce monstre de vanité et de contradictions, d’orgueil et de bassesses, Jean-Jacques Rousseau, ne réussira certainement pas à mettre le trouble dans la fourmilière de Genève, comme il l’avait projeté. Je ne sais si on l’a chassé de Paris, comme le bruit en court ici, et s’il s’en est allé à quatre pattes ou avec sa robe d’Arménien. Figurez-vous qu’il m’avait imputé son bannissement de l’État de Berne, pour me rendre odieux au peuple de Genève. J’ai heureusement découvert et hautement confondu cette sourde imposture. Je sais bien que tout homme public, à moins qu’il ne soit homme puissant, est obligé de passer sa vie à réfuter la calomnie. Les Fréron et les Pompignan, qui m’ont accusé d’être l’auteur du Dictionnaire philosophique, n’ont pas réussi, puisque les noms de ceux qui ont fait la plupart des articles sont aujourd’hui publiquement connus.

Il en est de même des Lettres des sieurs Covelle, Baudinet, Montmolin[1], etc., à l’occasion des miracles de Jean-Jacques, et je ne sais quel cuistre de prédicant. On m’impute plusieurs de ces Lettres ; mais, Dieu merci, M.  Covelle m’a signé un bon billet par lequel il détruit cette accusation pitoyable. Il m’a fallu prévenir la rage des hypocrites qui me persécutent encore à Versailles, et qui veulent m’opprimer, à l’âge de soixante-douze ans, sur le bord de mon tombeau. On en parlait, il y a quelques mois, devant les syndics de nos états de Gex. Les curés de mes terres y étaient avec quelques notables : ils me connaissent, ils savent que j’ai fait un peu de bien dans la province, et que je ne me suis pas borné à remplir tous les devoirs de chrétien et d’honnête homme : ils signèrent un acte authentique, et ils me l’apportèrent, à mon grand étonnement. Il est trop flatteur pour que je vous le communique ; mais enfin il est trop vrai pour que je n’en fasse pas usage dans l’occasion, et que je ne l’oppose, comme une égide, aux coups que la calomnie, couverte du masque de la dévotion, voudra me porter.

J’attends tous les jours le ballot de Fauche. Je n’entends point parler des boîtes que vous m’aviez promises par le carrosse de Lyon, à l’adresse de MM. Lavergne père et fils, banquiers à Lyon. Je ne sais plus ce que fait Bigex.

  1. Voyez ces Lettres, tome XXV, pages 357 et suivantes.