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la messe fort proprement, mais qui, pour avoir régenté vingt ans la rhétorique, n’en est peut-être pas un meilleur gourmet en vers français, vous a lu une copie de vers (très-informe) ; il en a laissé prendre dans Genève des copies plus informes encore[1] ; les Genevois, qui se connaissent en vers moins que lui, ont imprimé ce rogaton ; mes entrailles paternelles se sont émues. Je vous demande en grâce, monsieur, de ne point envoyer à Paris cet enfant bâtard ; je compte envoyer mon fils légitime, mais il est encore en nourrice.

J’ai lu le petit écrit intitulé le Droit négatif[2] ; il paraît mériter attention. Il me semble que la seule chose dans laquelle on s’accorde au pays où vous êtes, c’est le denier dix.

Vous me pardonnerez de ne point écrire de ma main ; les neiges me rendent presque aveugle.

Mille tendres respects. V.


6223. — DE M.  HENNIN[3].
Genève, 7 janvier 1766.

Je savais bien bon gré, monsieur, à votre obligeant aumônier, de m’avoir communiqué le tableau que vous vouliez retoucher. Je ne l’ai point envoyé à Paris, et, en général, je suis et serai fort exact à cet égard, à moins que je n’aie de vous une permission spéciale. Mais tout le monde n’a pas le même scrupule, et vous pouvez être sûr, monsieur, qu’il est parti hier vingt exemplaires pareils à la copie qui m’a été lue. Mettez donc à votre enfant son beau bonnet, si vous croyez qu’il ait besoin de parure.

Ce Droit négatif, qui n’est pas d’un sot, m’a paru un ouvrage très-insidieux, où le point principal de la question est mis habilement de côté, et où même on traite assez légèrement la médiation, ce qui n’est ni utile ni honnête…

Au soixante-deuxième degré, je pouvais me promener gaiement sur les glaces les plus épaisses, et je ne puis pas mettre ici le nez dehors sans être saisi par une bise insupportable. Mais tout est bien.

Respects et amitiés pour l’oncle et la nièce, que je ne verrai jamais tant et si souvent que je le désire.

  1. l’Êpître à Henri IV.
  2. Le droit négatif était le droit qu’avait le petit conseil de rejeter les représentations des citoyens tendantes à faire assembler le conseil général, soit pour interpréter les lois obscures, soit pour maintenir les lois enfreintes. (Note de Hennin fils.)
  3. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin, 1825.