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Quant aux espèces frappées avec la légende Finistère, il y en eut peu, et j’en ai vu une. Je verrais sans doute avec plus de plaisir, monsieur, un monument qui célébrerait votre admirable conduite dans cette malheureuse journée. On commencera bientôt une nouvelle édition de cet Essai sur l’Histoire générale. Je ne manquerai pas de profiter des instructions que vous avez eu la bonté de me donner. Je rectifierai[1] avec soin toutes les méprises des Anglais, et surtout je vous rendrai la justice qui vous est due. Je n’ai point de plus grand plaisir que celui de m’occuper des belles actions de mes compatriotes. Les rois, tout-puissants qu’ils sont, ne le sont pas assez pour récompenser tous les hommes de courage qui ont servi la patrie avec distinction. La voix d’un historien est bien peu de chose ; elle se fait à peine entendre, surtout dans les cours, où le présent efface toujours le souvenir du passé. Mais ce sera pour moi une très-grande consolation si vous voyez, monsieur, votre nom avec quelque plaisir dans un ouvrage historique qui contient très-peu de noms et de détails particuliers. Il s’en faut de beaucoup que cet Essai historique soit un temple de la gloire ; mais s’il l’était, ce serait avec plaisir que j’y bâtirais une chapelle pour vous.

J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments qui vous sont dus, monsieur, votre, etc.


6208. — À MADAME DE TRÉVÉNEGAT.

Mme de Trévénegat s’est adressée à un malade pour savoir des nouvelles de ce que vaut une mort subite. L’homme à qui elle s’est adressée se connaît en maladies de langueur depuis environ cinquante ans ; mais en morts subites, point du tout. Il faut demander cela à César, qui disait que cette façon de quitter le monde était la meilleure. À l’égard des justes et des réprouvés, dont Mme de Trévénegat parle, l’avocat consultant répond qu’il connaît force honnêtes gens, et qu’il ne connaît ni réprouvés ni justes ; que ce n’est pas là son affaire ; qu’il n’a jamais envoyé personne ni en paradis ni en enfer, et qu’il souhaite à Mme de Trévénegat une mort subite pour le plus tard que faire se pourra. En attendant, il lui conseille de s’amuser, de jouer, de faire bonne chère, de bien dormir, de se bien porter, et lui présente ses respects.

  1. Voltaire n’a rien changé.