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Voilà pourtant ce qui se fait au nom de gens de fort bonne compagnie, dont plusieurs se fâcheraient s’ils en étaient les témoins. Ils ne doivent donc pas trouver étrange que je travaille de toutes mes forces à repousser cette inquisition hors de ma banlieue. Le moyen que cela se passe à ma porte, et de rimer des tragédies !

Adieu, très-aimable maréchal des logis. Puisse quelque jour mon heureuse destinée vous amener dans ma chaumière ! Tout ce qui est à Ferney vous est presque aussi tendrement attaché que le vieux malade.


6045. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
15 juin.

Heureusement, monsieur, le gouverneur de Pierre-Encise est un officier rempli d’honneur, et qui a les mœurs les plus aimables ; il n’est occupé que d’adoucir le sort de ceux qu’il est obligé de recevoir dans le château, et la personne dont vous me parlez ne pouvait être en de meilleures mains. Vous aurez pu recevoir un petit paquet que M. le marquis de Charas doit vous remettre ; c’est un jeune homme qui m’a paru bien digne de l’amitié que vous avez pour lui. Je suis un peu tombé en décadence depuis que je n’ai eu l’honneur de vous voir. Les longues maladies ont précipité chez moi la décrépitude. Je ne crois pas que j’aie longtemps à vivre ; mais vous pouvez compter que les sentiments que vous m’avez connus s’affermiront dans moi jusqu’au dernier moment, et je vous aimerai toujours avec la même tendresse. Il ne me sied plus de vous parler de pâtés de perdrix ; mais quand vous voudrez donner quelques ordres, adressez-les à M. Wagnière, chez M. Souchai, à Genève.

P. S. Je n’ai jamais lu ni le n° 13 ni le n° 20 de ce misérable Fréron, ni aucun de ses numéros. Je sais seulement, par la voix publique, que l’arithmétique ne suffit pas pour nombrer ses sottises et ses calomnies. Je ne vois pas d’ailleurs qu’il me soit convenable de lui répondre, car il faudrait le lire, et je ne peux supporter tant d’ennui. Il est toujours d’assez mauvaise grâce de faire sa propre apologie et de récriminer ; mais ce qui serait avilissant dans moi est bien louable dans vous. Je sens, avec la plus tendre reconnaissance, toute l’étendue de votre générosité ; et s’il est décent à moi de me taire, il est bien beau à vous de