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prise. M.  d’Argental sait bien que telle a été ma conduite ; M.  le duc de Praslin en est instruit ; je laisse parler les gens qui ne le sont point. Je sais bien qu’il faut que dans Paris on dise des sottises. Il y a cinquante ans que je suis en butte à la calomnie, et elle ne finira qu’avec moi. Je m’y suis accoutumé comme aux indigestions.

Digérez, mon cher ami, et mandez-moi, je vous en conjure, des nouvelles de votre santé.


6185. — À M.  LE MARQUIS DE VILLETTE,
sur un portrait de l’auteur qu’il avait fait graver.
À Ferney, le 11 décembre.

J’ouvre une caisse, monsieur ; j’y vois, quoi ? Moi-même en personne, dessiné d’une belle main. Je me souviens très-bien que


Ce danzel, beau comme le jour,
Soutien de l’amoureux empire,
A, dans mon champêtre séjour,
Dessiné le maigre contour
D’un vieux visage à faire rire.
En vérité c’était l’Amour
S’amusant à peindre un satyre
Avec les crayons de Latour.


Il est vrai que dans l’estampe on me fait terriblement montrer les dents. Cela fera soupçonner que j’en ai encore. Je dois au moins en avoir une contre vous de ce que vous avez passé tant de temps sans m’écrire.

Bérénice disait à Titus :


Voyez-moi plus souvent, et ne me donnez rien,

(Acte II, scène iv.)

Je pourrais vous dire :


Écrivez-moi souvent, et ne me peignez point[1].


Mais je suis si flatté de votre galanterie, que je ne peux me plaindre du burin. Je remercie le peintre, et je pardonne au graveur.

  1. Je suis le texte des Œuvres de Villette. Les éditeurs de Kehl, au lieu de peignez, avaient mis gravez. (B.)