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6156. — À M.  DUPONT.
À Ferney, 15 novembre.

Mon cher Cicéron d’Alsace, que ne puis-je être utile à votre famille ! Si le pays que vous habitez eût pu me convenir, j’aurais acheté le château d’Horbourg au lieu de celui de Ferney, et j’aurais bien trouvé le moyen de placer quelques-uns de vos enfants. Me voici depuis onze ans au pied des Alpes. La mort m’a privé de presque tous mes amis, les autres m’ont oublié ; il ne me reste que le regret de n’avoir pu servir un homme de votre mérite. Je me console par l’espérance que plusieurs princes d’Allemagne, dont vous serez le conseil, prendront soin de votre fortune.

Je suis actuellement un peu embarrassé. J’ai entrepris des bâtiments et des jardins, sur la parole positive que M. Jean Maire m’avait donnée qu’il me payerait avec la plus grande exactitude. Les rentes viagères exigent qu’on ne manque jamais l’échéance ; il me fait un peu languir, et je suis obligé de renvoyer mes ouvriers, au hasard de voir l’hiver, qui est bien rude dans nos quartiers, détruire les ouvrages commencés pendant l’été. Je vous prie d’écrire un petit mot à M. Jean Maire pour l’engager à ne pas m’oublier. Je suppose qu’il n’a pas d’argent actuellement, mais il peut me fournir des lettres de change, en me faisant bon de l’escompte. Je lui ai proposé tous les tempéraments possibles ; ayez la bonté de le faire souvenir sérieusement de ses engagements, et de lui faire sentir que l’accumulation des arrérages deviendrait pour lui aussi désagréable que l’est pour moi la privation de ce qui m’est dû.

Adieu, mon cher ami ; on ne peut vous être attaché plus tendrement que je le suis.


Voltaire.

6157. — À M.  DAMILAVILLE.
19 novembre.

Mon cher frère, voici des guenilles[1] qui ne sont pas miraculeuses, mais dans lesquelles un honnête impie se moque prodigieusement des miracles. Le prophète Grimm en demande quelques exemplaires ; je vous en envoie cinq. Ce ne sont là que

  1. Lettres ou Questions sur les miracles ; voyez tome XV, page 357.