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Vous me priez de ne point attaquer votre livrée ; je serais bien fâchée de n’avoir rien à démêler avec elle ; elle a tous les attributs de celle des grands seigneurs ; elle me fait souvent souvenir d’une chanson que Mme  la duchesse du Maine avait faite sur un intendant de M. le duc du Maine, qui dans ses audiences affectait toutes les manières de son maître. Cette chanson finissait ainsi :


Chacun dit, connaissant Brian,
ChaLa faridondaine, etc.
Voilà Monseigneur travesti,
ChaBiribi, etc.


J’étais bien persuadée que vous seriez content du chevalier Mac-Donald. Il m’écrit qu’il est émerveillé de vous. Vous ne me dites rien de M. Craufurd[1] ; est-ce que vous ne lui trouvez pas bien de l’esprit ? Il a une santé déplorable et qui m’inquiète ; je l’aime beaucoup, et c’est un de vos plus grands admirateurs. J’ai été fort aise de ce que vous m’avez écrit sur le président ; il y a été extrêmement sensible. Sa santé est très-bonne ; il voit pour moi, j’entends pour lui, et nous traînons notre misérable vieillesse, tandis que la vôtre paraît vous soutenir.

Adieu, monsieur : envoyez-moi ce qui me manque sur la lettre de Mlle  de Lenclos. Soyez persuadé que je ne laisserai prendre aucune copie de vos lettres, mon secrétaire est de la plus exacte fidélité. Écrivez-moi le plus souvent que vous pourrez. Je voudrais devoir vos soins à votre amitié ; que je les doive du moins à vos vertus.


6142. — À M.  L’ABBÉ DE VOISENON[2].
À Ferney, le 28 octobre.

J’avais un arbuste inutile
Qui languissait dans mon canton ;
Un bon jardinier de la ville
Vient de greffer mon sauvageon.
Je ne recueillais de ma vigne
Qu’un peu de vin grossier et plat ;
Mais un gourmet l’a rendu digne

  1. Ce nom est écrit tour à tour Crawfort, Crawford, et Craufurd.
  2. Le conte de Voltaire intitulé l’Éducation d’une fille (voyez tome X) avait fourni à Favart le sujet d’Isabelle et Gertrude ou les Sylphes supposés, comédie en un acte, mêlée d’ariettes, jouée sur le théâtre des Italiens, le 14 août 1765, imprimée la même année. La pièce est dédiée à Voisenon, qui en avait envoyé un exemplaire à Voltaire. On prétendait que l’abbé était le principal auteur de plusieurs des pièces qui étaient données par Favart ou par Mme  Favart ; tandis qu’il a été seulement collaborateur, et pour peu de chose, au Jardinier supposé, à l’Amitié à l’épreuve, à la Fee Urgèle et aux Moissonneurs. La réponse de Voisenon à Voltaire est sous le n° 6151.