très-peu d’exemplaires : si je puis en trouver un, je ne manquerai pas de vous le faire tenir. L’auteur est, à ce que je crois, un protestant assez instruit, qui demande que ses frères puissent cultiver leurs terres en France, au lieu d’enrichir les pays étrangers. On en a envoyé un à M. de Quintin, votre ami ; priez-le de vous le prêter, et demandez-lui, je vous prie, ce qu’il en pense. Je m’intéresse à cet ouvrage, parce que l’auteur me semble n’avoir en vue que le bonheur du genre humain, chose à laquelle ne pensent guère ceux qui sont à la tête de quelque parti que ce puisse être de ce pauvre genre.
Je croyais M. l’ancien premier président de La Marche à Paris ; je le félicite d’être à la Marche, et je vais incessamment lui écrire.
Dites-moi, je vous prie, quel besoin une Académie a d’un protecteur[1], et à quoi un protecteur lui est bon ? Le protecteur de l’Académie française lui donne soixante et dix écus par séance, quarante fauteuils de velours, un Suisse, du bois, des bougies, le droit de committimus[2] ; c’est du moins quelque chose.
Portez-vous bien, mon très-cher président. Je perds la vue, et je perdrai bientôt la vie ; il n’y a pas grand mal à cela ; je vous embrasse de tout mon cœur.
Je ne cesserai, mon cher monsieur, de prêcher la tolérance sur les toits, malgré les plaintes de vos prêtres et les clameurs des nôtres, tant qu’on ne cessera pas de persécuter. Les progrès de la raison sont lents, les racines des préjugés sont profondes. Je ne verrai pas sans doute les fruits de mes efforts, mais ce seront des semences qui peut-être germeront un jour.
Vous ne trouverez pas, mon cher ami, que la plaisanterie convienne dans les matières graves. Nous autres Français nous sommes gais ; les Suisses sont plus sérieux. Dans le charmant
- ↑ L’Académie de Dijon venait de se donner officiellement pour protecteur le prince de Condé (Louis-Joseph), mort en 1819.
- ↑ Terme de chancellerie exprimant le privilège de plaider en première instance devant certains juges, et d’y faire évoquer les causes auxquelles les privilègès auraient intérêt. Les membres de l’Académie française avaient le droit de faire juger leurs procès comme les princes du sang, par les requêtes du palais ou de l’hôtel.