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ouverte[1]. Il y a dans le paquet une lettre à M. d’Alembert pour les curieux ; mais je suis très en peine de savoir si un petit paquet de Hollande[2], adressé il y a quinze jours à M. Gaudet[3], est arrivé à bon port, et si une lettre sous l’enveloppe dudit M. Gaudet, dans laquelle on s’expliquait avec confiance, a été reçue. J’attends, non sans inquiétude, que mon frère m’éclaircisse de tout cela, et qu’il m’écrive par la voie de Lyon. Je l’embrasse avec la plus grande tendresse. Ècr. l’inf…


6032. — À M.  DAMILAVILLE.
À Rolle, pays de Vaud, près de Genève, 28 mai.

J’achevais, mon cher ami, de prendre les eaux en Suisse, où j’ai encore acheté un petit domaine, lorsque je reçus votre paquet pour M. Tronchin. Je le lui envoyai sur-le-champ. Je vois que votre mal de gorge est opiniâtre ; mais je vous avertis qu’il est rare qu’un médecin guérisse ses malades à cent lieues, et qu’une sœur de la Charité fait plus de bien de près qu’Esculape de loin. Dès que j’aurai la réponse de l’oracle de Genève, je vous la ferai parvenir.

Sirven prend le parti d’aller lui-même à Toulouse chercher l’arrêt et les pièces dont M. de Beaumont a besoin pour consommer son entreprise généreuse. Il dit qu’il fera agir ses amis, et saura se mettre à l’abri de tout. Ce pauvre homme et sa famille me fendent le cœur ; ils sont beaucoup plus malheureux que ne le sont aujourd’hui les Calas. Qu’il est beau, mon ami, de faire du bien, et que M. de Beaumont va augmenter sa gloire ! Pour moi, je n’ai à augmenter que ma patience. Je paye un peu cher l’intérêt de ma petite réputation : car, Dieu merci, il n’y a presque point de mois qu’on ne fasse courir quelque ouvrage sous mon nom ; vers et prose, on m’attribue tout. Quelque libraire de Hollande a-t-il l’impertinence de m’attribuer un mau-

  1. Nous ne citerons que cet exemple, et les lettres des 22 et 28 mai, pour montrer les précautions que M. de Voltaire était obligé de prendre en éclairant les hommes par des ouvrages philosophiques, et en servant l’humanité dans la défense des Calas et des Sirven. Ses lettres étant souvent interceptées, il en écrivait d’ostensibles sous son nom, et d’autres sous des noms supposés. C’était un M. Boursier, un M. Lantin, un M. Écr. l’inf…, ou Écrlinf. De là les contradictions apparentes touchant certains ouvrages qui servaient de prétexte pour le persécuter. (K.)
  2. La Philosophie de l’Histoire.
  3. Directeur des vingtièmes, et auteur de Lettres sur les finances, 1778, in-8o.