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Adieu, mon illustre et respectable maître : on peut dire de ce monde, comme Petit-Jean dans les Plaideurs :


Que de fous ! je ne fus jamais à telle fête[1].


5983. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
10 avril.

Je vous envoie, mes anges, l’antiquité à bâtons rompus[2]. Je ne sais si le fatras des sottises mystérieuses des mortels vous plaira beaucoup. Vous êtes bien de bonne compagnie pour lire avec plaisir ces profondeurs pédantesques ; mais votre esprit s’étend à tout, ainsi que vos bontés.

Les horreurs des Sirven vont succéder aux abominations des Calas. Le véritable Elie prend une seconde fois la défense de l’innocence opprimée. Voilà trop de procès de parricides, dira-t-on ; mais, mes divins anges, à qui en est la faute ?

Je ne sais si vous avez connu feu l’abbé Bazin, auteur de la Philosophie de l’Histoire. Son neveu, le chevalier Bazin, a dédié l’ouvrage de son oncle à l’impératrice de toutes les Russies, comme vous le savez ; mais j’ai peur que les dévots de France ne pensent pas comme cette impératrice.

Respect et tendresse.


5984. — À M.  DAMILAVILLE.
10 avril.

Vous guérirez sûrement, mon cher frère, car voilà la troisième lettre d’Esculape. Je vous prie, au nom de tous les frères, d’avoir grand soin de votre santé : c’est vous qui tenez l’étendard auquel nous nous rallions ; c’est vous qui êtes le lien des philosophes. Il est venu chez moi un jeune petit avocat général de Grenoble[3] qui ne ressemble point du tout aux Omer ; il a pris quelques leçons des d’Alembert et des Diderot : c’est un bon enfant et une bonne recrue.

Frère d’Argental doit actuellement avoir reçu tous ses paquets. Je crois par conséquent qu’il peut vous lâcher encore quelques

  1. C’est Léandre, et non Petit-Jean, qui dit ce vers dans les Plaideurs, acte II, scène xii.
  2. La Philosophie de l’Histoire : voyez l’avertissement de Beuchot en tête du tome XI.
  3. Joseph-Michel-Antoine Servan, avocat général au parlement de Grenoble, né en 1737, mort le 4 novembre 1807. (B.)