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5977. — À M.  DAMILAVILLE.
5 avril.

Vous êtes obéi, mon cher frère ; ce charmant ouvrage sera imprimé au plus vite et avec le plus grand secret. Que je vous remercie d’avoir encouragé l’auteur inimitable de ce petit écrit à rendre des services si essentiels à la bonne cause ! J’en demande très-humblement pardon à ce Blaise Pascal, mais je le mets bien au-dessous d’Archimède-Protagoras : celui-ci ne verra jamais de précipice à côté de sa chaise, et il bouchera le précipice dans lequel on fait tomber tant de sots[1].

Je vous crois instruit des démarches du parlement de Toulouse, qui a défendu qu’on affichât l’arrêt des maîtres des requêtes, et qui s’est assemblé pour faire au roi de belles remontrances tendantes à faire déclarer bien roués tous ceux qui auront été roués par ledit parlement. Je ne sais pas si ces remontrances auront lieu ; j’ignore jusqu’à quel point la cour ménagera le parlement des Visigoths. C’est dans cette incertitude que j’ai conseillé à la veuve Calas de ne point hasarder la prise à partie sans faire pressentir les deux ministres[2] dont dépend sa pension ; mais je me rendrai à l’avis que vous aurez embrassé.

Vous daignez me demander, par votre lettre du 27 de mars, le portrait d’un homme qui vous aime autant qu’il vous estime : je n’ai plus qu’une mauvaise copie d’après un original fait il y a trente ans, et dans le fond de mes déserts il n’y a point de peintre. Je vous enverrai ce barbouillage, si vous le souhaitez ; mais l’estampe faite d’après le buste de Le Moyne vaut beaucoup mieux.

J’attends tous les jours de Toulouse la copie authentique de l’arrêt qui condamne toute la famille Sirven ; arrêt confirmatif de la sentence rendue par un juge de village, arrêt donné sans connaissance de cause, arrêt contre lequel tout le public se soulèverait avec indignation si les Calas ne s’étaient pas emparés de toute sa pitié.

Je ne conseillerais pas à un auteur de donner une seconde pièce patriotique[3]. Il n’y a que le zèle admirable de M. de Beau-

  1. Cet alinéa n’appartient pas à cette lettre. Il a été écrit le 26 décembre 1764. (G. A.)
  2. Le contrôleur général et le vice-chancelier.
  3. Après le Siège de Calais.