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des remontrances tendant à demander ou ordonner que tous ceux qu’ils auront fait rouer soient désormais déclarés bien roués, et que surtout on maintienne la belle procession annuelle[1] dans laquelle on remercie Dieu, en masque, du sang répandu de trois à quatre mille citoyens, il y a quelque deux cents ans. De plus, messieurs ont défendu, sous des peines corporelles, d’afficher l’arrêt qui justifie les Calas ; messieurs paraissent opiniâtres.


Peut-être je devrais, plus humble en ma misère,
Me souvenir du moins que je parle à leur frère[2].


Mais ce frère[3] appartient à l’humanité avant d’appartenir à messieurs.

Si la réponse du roi au parlement de Bretagne est telle qu’on la trouve dans les papiers publics, il paraît que la cour sait quelquefois réprimer messieurs ; il paraît aussi que le public commence à se lasser de cette démocratie. Ce public brise souvent ses idoles, et, au bout de quelques mois, il arrive que les applaudissements se tournent en sifflets. (Ceci soit dit en passant.)

Je remercie bien humblement mes anges de leur passe-port, et je les supplie de vouloir bien dire à M. le duc de Praslin combien je suis touché de ses bontés.

Je trouve que la gratification ou pension[4] que l’on demandait au roi pour ces pauvres Calas tarde beaucoup à venir : c’est ce qui m’a déterminé à leur conseiller de faire pressentir monsieur le vice-chancelier et monsieur le contrôleur général sur la prise à partie, afin de ne point indisposer ceux de qui cette pension dépend ; mais je peux me tromper, et je m’en rapporte à mes anges, qui voient les choses de plus près et beaucoup mieux que moi.

Je ne peux pas dicter davantage, car je n’en peux plus. Je me meurs avec la folie de planter et de bâtir, et avec le chagrin de n’avoir pas vu mes anges depuis douze ans.


5975. — À M. D’ALEMBERT.
3 avril.

Ma reconnaissance est vive, je l’avoue ; mais ce n’est pas elle qui fait mon enthousiasme pour vous ; c’est votre zèle aussi in-

  1. Celle du 17 mai ; voyez tome XXV, page 20.
  2. Mirhridate, acte I, scène ii.
  3. D’Argental était conseiller d’honneur, ou honoraire, au parlement de Paris.
  4. Voyez lettre 5990.