Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/527

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possible de peindre une ombre, je vous prierais de faire mon portrait.

Je reçois à l’instant une lettre de notre ministre à la cour de Bavière ; il me dit que Garrick y est aussi, que l’électeur le fête et le comble de distinction ; les égards que les princes accordent au vrai mérite les honorent bien plus que celui qui en est l’objet.

Notre ministre m’assure que Garrick court après vous, qu’il dirige sa route sur Louisbourg : au nom de l’amitié, conduisez-le à Ferney, qu’il vienne y voir le vieux malade ; le duc vous aime et m’estime, il ne vous refusera pas un congé. Le plaisir de rassembler dans mon ermitage le Roscius et le Pylade moderne me rajeunira, et fera disparaître mes infirmités. Je vous attends avec l’impatience de la vieillesse, et vous assure, monsieur, de tous les sentiments que je vous ai voués, et avec lesquels je suis, etc.


Voltaire.

5974. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
3 avril.

Pourquoi faut-il que de mes deux anges il y en ait toujours un qui tousse ? Permettez-moi de consulter Tronchin sur cette toux. Il n’y aurait qu’à en faire l’histoire, et sur cette histoire Tronchin donnerait ses conclusions.

J’envoie à mes anges une autre sorte d’histoire, dont il y a aussi de bonnes conclusions à tirer. Feu M. l’abbé Bazin était un bon chrétien qui n’était point superstitieux : il laisse entrevoir modestement que les Juifs étaient une nation des plus nouvelles, et qu’ils ont pris chez les autres peuples toutes leurs fables et toutes leurs coutumes. Ce coup de poignard, une fois enfoncé avec tout le respect imaginable, peut tuer le monstre de la superstition dans le cabinet des honnêtes gens, sans que les sots en sachent rien.

Mes anges sont suppliés de faire part à frère Damilaville des pilules qui leur ont été apportées par un Suédois et par deux Suisses. Ces pilules, quoique condamnées par les charlatans, font beaucoup de bien à un malade raisonnable.

Messieurs du parlement de Toulouse ne paraissent pas être du nombre de ces derniers. Mes anges sont instruits sans doute que ces messieurs s’assemblèrent[1], le 20 de mars, pour rédiger

  1. Voyez la note 3, page 507.