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5956. — À M. LE DOCTEUR TRONCHIN[1].

Je vous envoie, mon très-cher Esculape, la lettre de M. le duc de La Vallière. Lisez, jugez, arrangez-vous, et voyez ce qu’il faut que je réponde. Je ne sais s’il convient à M. Tronchin, le conseiller d’État, de louer les Délices pour quelques mois.

J’ai toujours sur le cœur l’honneur que nous a fait Mme de Gourgues de venir à Ferney. Mme Denis et moi, nous étions très-malades, et nous ne pûmes peut-être répondre comme nous le voulions aux bontés de Mme de Gourgues. Vous pouvez compter, mon cher ami, que je ne passe pas un seul jour sans souffrir. Je ne peux opposer à mes maux qu’une entière résignation ; mais cette résignation ne suffit pas pour bien faire les honneurs de sa maison. Je vous demande en grâce de vouloir bien faire ma cour à Mme de Gourgues, dont je connais tout le mérite, et à la santé de laquelle je m’intéresse infiniment.

Je sais que le bâtard du chien de Diogène na pas dit des choses agréables de vous et de moi à Mme de Luxembourg. Esculape était peint avec un serpent à ses pieds. C’était apparemment quelque Jean-Jacques qui voulait lui mordre le talon. Il faut avouer que ce malheureux est un monstre, et cependant, s’il avait besoin de vos secours, vous lui en donneriez. Quelle différence, grand Dieu ! d’un Tronchin à un Jean-Jacques.

Tâchez, je vous prie, de me rendre une réponse prompte chez M. Souchai, afin que je puisse satisfaire l’impatience de M. le duc de La Vallière.


5957. — DE MADAME LA MARQUISE DE MONREPOS[2].
Monrepos, le 22 mars 1765.

Quelle gloire touchante pour vous, monsieur, que de voir vos soins réussir, pour mettre en son jour l’innocence de l’infortunée famille Calas ! C’est une félicitation que votre bon cœur recevra avec plaisir : elle part de tout ce qui a de l’humanité et qui pense. Si le fanatisme est une hydre, vous en serez l’Hercule pour la terrasser. Je compte aller passer quelque temps auprès de l’aimable margrave de Bade-Dourlach ; je vous demanderai, monsieur, quelque recommandation et souvenir pour elle, qui sait si bien, ainsi que le margrave, vous admirer et vous chérir. J’espère bien, en revenant, faire un petit détour par Lunéville ; mon fils doit y être arrivé bientôt ; ce

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. L Amateur d’autographes, année 1866, page 259.