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mont, et une pour Mme  Calas ; une que je vous supplie aussi de vouloir bien faire tenir par la petite poste, pour M. de Chimène[1].

On est enivré à Genève, comme à Paris, du gain de notre procès. Voilà un beau moment dans les fastes de la raison, qui ne sont pas le plus gros livre que nous ayons. Ma santé s’affaiblit beaucoup ; mais mon tendre attachement pour vous se fortifie tous les jours, Ma lettre est écourtée, mes sentiments ne le sont pas.

Ècr. l’inf…, mon cher frère, écr. l’inf…, et dites à frère Protagoras Ècr. l’inf… le matin, écr. l’inf… le soir.


5946. — À M.  MARMONTEL.
À Ferney, 17 mars.

Mon cher ami, je reconnais votre cœur à la sensibilité que les Calas vous inspirent. Quand j’ai appris le succès, j’ai versé longtemps de ces larmes d’attendrissement et de joie que Mlle  Clairon fait répandre. Je la trouve bien heureuse, cette divine Clairon, non-seulement elle est adorée du public, mais encore Fréron se déchaîne, à ce qu’on dit, contre elle. Elle obtient toutes les sortes de gloires. L’épigramme qu’on a daigné faire contre ce malheureux est aussi juste que bonne ; elle court le royaume. On disait ces jours passés, devant une demoiselle de Lyon, que l’ignorance n’est pas un péché ; elle répondit par ce petit huitain :


On nous écrit que maître Aliboron
Étant requis de faire pénitence :
« Est-ce un péché, dit-il, que l’ignorance ? »
Un sien confrère aussitôt lui dit : « Non ;
On peut très-bien, malgré L’Année littéraire.
Sauver son âme en se faisant huer ;
En conscience il est permis de braire ;
Mais c’est pécher de mordre et de ruer. »


Je trouve maître Alibornn bien honoré qu’on daigne parler de lui ; il ne devait pas s’y attendre. On m’a mandé de Paris qu’il allait être secrétaire des commandements de la reine. J’avoue pourtant que je ne le crois pas, quoique la fortune soit assez faite pour les gens de son espèce.

  1. Ximenès.