Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5930. — À M.  LE DOCTEUR TRONCHIN[1].
À Ferney, 4 mars.

Mon cher Esculape, la philosophie se met entre vos mains ; le meilleur ami que j’aie parmi les philosophes vous supplie de vouloir bien donner vos avis. Il me paraît qu’il sera plus aisé à guérir que votre république.

Étendez du moins vos bontés sur mon philosophe, et conservez-moi celles dont vous m’avez toujours comblé et qui font le charme de ma vie.

P. S. Je vous envoie le livre très-chrétien[2] que vous demandez, et que les lâches ont fait brûler, à ce qu’on dit, pour faire plaisir à des fripons. Il y a un chapitre ou deux de M. Abauzit, qui est, comme vous savez, un excellent chrétien. Il y en a d’autres d’un pasteur de la sainte Église réformée. Vous avez demandé ce livre en qualité d’excellent chrétien, et moi, comme excellent chrétien, je me prive des deux seuls exemplaires que j’aie, afin de faire passer en vous la grâce qui surabonde en moi.

Je suis bien fâché qu’Esculape, Hippocrate, Asclépiade, Andronicus Musa, Celse, Galien, etc., n’aient pas été aussi d’excellents chrétiens. Car vous sentez bien qu’il est impossible d’être bon médecin sans être chrétien. Je vous embrasse le plus chrétiennement du monde.

Mes compliments, je vous prie, au bon chrétien Deluc, et à tous les saints de cette espèce.


5931. — À M.  DAMILAVILLE.
À Ferney, 4 mars.

Mon cher frère, je crois que je ne pourrai faire partir la réponse de M. Tronchin que mercredi 6 de ce mois. Je serai bien étonné s’il vous ordonne autre chose que des adoucissants et du régime ; mais ce qui est sûr, c’est qu’il s’intéressera bien vivement à votre santé. Il est philosophe, et il sait que vous l’êtes. Nous sommes tous frères. Saint Luc était le médecin des apôtres, et Tronchin est le nôtre, il me semble toujours que c’est une extrême injustice, dans le meilleur des mondes possibles, que

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le Dictionnaire philosophique.