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tracasserie ? Ce monde est hérissé d’anicroches. Jean-Jacques Rousseau est aussi fou que les d’Éon et les Vergy, mais il est plus dangereux.

Voulez-vous bien, mon divin ange, présenter à M. le duc de Praslin mes tendres et respectueux sentiments du passe-port qu’il veut bien accorder au vieux Moultou et à sa famille pour aller montrer sa vessie à Montpellier ?

Je me flatte que mon autre ange, Mme  d’Argental, tousse moins.


5923. — À M.  BERGER[1].
À Ferney, 25 février.

J’ai été touché, monsieur, de votre lettre du 12 de février. On m’a dit que vous êtes dévot ; cependant je vous vois de la sensibilité et de l’honnêteté.

Vous m’apprenez que vous avez été taillé de la pierre, il y a douze ans ; je vous félicite de vivre, si vous trouvez la vie plaisante. J’ai toujours été affligé que, dans le meilleur des mondes possibles, il y eût des cailloux dans les vessies, attendu que les vessies ne sont pas plus faites pour être des carrières que des lanternes ; mais je me suis toujours soumis à la Providence. Je n’ai point été taillé ; mais j’ai eu et j’ai ma bonne dose de mal en autre monnaie. Chacun la sienne : il faut savoir mourir et souffrir de toutes façons.

Vous me mandez qu’on a imprimé je ne sais quelles lettres[2] que je vous écrivis il y a plus de trente années : vous m’apprenez qu’elles étaient tombées entre les mains d’un nommé Vauger, qui n’en peut répondre, attendu qu’il est mort. Si ces lettres ont été son seul héritage, je conseille aux hoirs de renoncer à la succession. J’ai lu ce recueil, je m’y suis ennuyé ; mais j’ai assez de mémoire, dans ma soixante et douzième année, pour assurer qu’il n’y a pas une seule de ces lettres qui ne soit falsifiée. Je défie tous les Vauger, morts ou vivants, et tous les éditeurs de rapsodies, de montrer une seule page de ma main qui soit conforme à ce que l’on a eu la sottise d’imprimer.

Il y a environ cinquante ans qu’on est en possession de se servir de mon nom. Je suis bien aise qu’il ait fait gagner quelque

  1. Cette lettre a été réimprimée dans le Dernier Volume des œuvres de Voltaire, avec la date fausse de 1763 et de très-légères variantes.
  2. Lettres secrètes de M. de Voltaire ; voyez tome XXV, page 579.