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Il craint toujours, et à mon avis très-mal à propos, qu’on ne lui fasse des chicanes en Languedoc, pour avoir prêché la doctrine de Calvin sur les bords du lac Léman. Il supplie très-humblement M. le duc de Praslin de vouloir bien mettre dans le passe-port :

« Pour le sieur de Moultou et son fils, bourgeois de Genève, avec sa femme et ses enfants. »

Permettez qu’aujourd’hui je ne vous parle que des Moultou, et que je réserve les roués pour une autre occasion. Vous me feriez grand plaisir de me dire si Mme d’Argental ne tousse plus. Voulez-vous bien faire agréer à M. le duc de Praslin mes tendres et profonds respects ?


5905. — À M. DAMILAVILLE.
1er février.

Mon cher frère, voici une grâce temporelle que je vous demande : c’est de faire parvenir à M. Delaleu ce paquet, qui est essentiel aux affaires de ma famille. Les philosophes ne laissent pas d’avoir des affaires mondaines à régler. Jean-Jacques n’est chargé que de sa seule personne, et moi, je suis chargé d’en nourrir soixante-dix : cela fait que quelquefois je suis obligé d’écrire à M. Delaleu des mémoires qui ne sont pas du tout philosophiques. Vous ne savez pas ce que c’est que la manutention d’une terre qu’on fait valoir. Je rends service à l’État sans qu’on en sache rien. Je défriche des terrains incultes ; je bâtis des maisons pour attirer les étrangers ; je horde les grands chemins d’arbres à mes dépens, en vertu des ordonnances du roi, que personne n’exécute : cette espèce de philosophie vaut bien, à mon gré, celle de Diogène.

Est-il possible que vous n’ayez pas encore reçu le petit paquet qui doit vous être venu par Besançon ? Je prendrai mes mesures pour vous faire parvenir ceux que je vous destine par le premier Anglais qui partira de Genève pour Paris.

Vous m’avez parlé des Délices : je deviens si vieux et si infirme que je ne peux plus avoir deux maisons de plaisance ; et l’état de mes affaires ne me permet plus cette dépense, qui est très-grande dans un pays où il faut combattre sans cesse contre les éléments. Je me déferai donc des Délices, si je peux parvenir à un arrangement raisonnable, ce qui est encore très-difficile.

Je vous ai prié, mon cher frère, de me faire avoir le