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philosophie est comme l’ancienne Église, il faut qu’elle sache souffrir pour s’affermir et pour s’étendre.

Je crois qu’on commence aujourd’hui l’édition de la Destruclion. C’est un livre qui ne sera point brûlé, mais qui fera autant de bien que s’il l’avait été.

J’embrasse tendrement mon cher frère, et je me recommande à ses prières, dans les tribulations où les méchants m’ont mis. Les orages sont venus des quatre coins du monde, et ont fondu sur ma petite barque, que j’ai bien de la peine à sauver.


5863. — À M. LE DUC DE PRASLIN.
Ferney, décembre.

Monseigneur, je défie mes trente-neuf confrères de l’Académie de trouver des termes pour vous exprimer ma reconnaissance ; ma nièce est dans le même embarras que moi. J’ai fait parvenir à mon ingrat curé les nouvelles de la protection que vous me donnez. On lui a dit que le roi entendait garder ses traités avec ses voisins ; il a répondu qu’il se… moquait des traités ; qu’il aurait mes dîmes ; qu’il plaidait au parlement de Dijon ; que son affaire y était entamée depuis longtemps ; qu’il m’enterrerait au plus tôt, et qu’il ne prierait point Dieu pour moi. Je sens bien, monseigneur, que je serai damné dans cette affaire-là ; mais il est si doux d’avoir votre protection dans ce monde qu’on prend gaiement son parti pour l’autre. Je suis bien sûr que vous soutiendrez votre dire avec le parlement de Bourgogne, s’il a la rage de juger comme Perrin Dandin[1] ; s’il prétend que, l’affaire étant déjà entamée au parlement, elle doit y rester. Vous nous permettrez bien alors de recourir à vos bontés, n’est-ce pas, monseigneur ?

Vous voulez des assassinats, en voici une paire dans le paquet de M. d’Argental. Pendant que je vous envoie des tragédies, M. de Montpéroux vous fait sans doute le récit de la farce de Genève ; vous verrez comme les enfants de Calvin ont changé. Il est assez plaisant de voir tout un peuple demander réparation pour Jean-Jacques Rousseau. Ils disent qu’il est vrai qu’il a écrit contre la religion chrétienne ; mais que ce n’est pas une raison assez forte pour oser donner une espèce d’assigné pour être ouï à un citoyen de Genève ; que si un citoyen de Genève trouve la

  1. Personnage de la comédie des Plaideurs.