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sions et notre argent dans les deux Indes, précisément de la même manière que nous perdîmes autrefois Milan et Naples.

Nous avons été toujours infortunés au dehors. On nous a pris Pondichéry deux fois, Québec quatre ; et je ne crois pas que de longtemps nous puissions tenir tête, en Asie et en Amérique, aux nations nos rivales.

Je ne sais, monsieur, comment l’éditeur du livre dont vous me faites l’honneur de me parler a mis huit lieues au lieu de vingt-huit, pour marquer la distance de Pondichéry à Madras. Pour moi, je voudrais qu’il y en eût deux cents ; nous serions plus loin des Anglais.

Je vous avoue, monsieur, que je n’ai jamais conçu comment la compagnie d’occident avait prêté réellement cent millions au roi en 1717. Il faudrait qu’elle eût trouvé la pierre philosophale. Je sais qu’elle donna du papier, et je vous avoue que j’ai toujours regardé l’assignation de neuf millions que le roi nous donne par an comme un bienfait. Je ne suis pas directeur, mais je suis intéressé à la chose, et je dois au roi ma part de la reconnaissance.

Je suis fâché que nous ayons eu quatre cent cinquante canons à Pondichéry, puisqu’on nous les a pris. Les Hollandais en ont davantage, et on ne les leur prend point, et ils prospèrent, et leurs actionnaires sont payés sur le gain réel de la compagnie. Je souhaite que nous en fassions beaucoup, que nous dépensions moins, et que nous ne nous mêlions de faire des nababs que quand nous aurons assez de troupes pour conquérir l’Inde.

Au reste, monsieur, ne vous comparez point aux juifs. On peut faire des compliments à un honnête et estimable juif, sans être extrêmement attaché à la semence d’Abraham ; mais quand je vous dirai que je suis très-attaché à votre personne, et que je regarde tous les directeurs de notre compagnie comme des hommes dignes de la plus grande considération, je ne vous ferai pas un vain compliment.

Je sais qu’on travaille actuellement à des recherches historiques assez curieuses. On doit y insérer un chapitre sur la compagnie des Indes[1]. On m’assure que vous en serez content ; et si vous voulez avoir la bonté de fournir quelques mémoires curieux à la même personne à qui vous aez bien voulu envoyer votre paquet, on ne manquera pas d’en faire usage. Celui qui y tra-

  1. Le trente-quatrième chapitre du Précis du Siècle de Louis XV, ouvrage qui ne fut publié qu’en 1768.