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tilité en faveur de son grand nom ; mais il n’est permis d’imprimer les lettres des hommes obscurs que quand elles sont aussi plaisantes que celles que vous connaissez sous le titre de Epistolæ obscurorum virorum[1].

Ne voilà-t-il pas un beau présent à faire au public que de lui présenter de prétendues lettres très-inutiles et très-insipides, écrites par un homme retiré du monde à des gens que le monde ne connaît pas du tout ! Il faut être aussi malavisé pour imprimer de telles fadaises que frivole pour les lire : aussi toutes ces paperasses tombent-elles au bout de quinze jours dans un éternel oubli ; et presque toutes les brochures de nos jours ressemblent à cette foule innombrable de moucherons qui meurent après avoir bourdonné un jour ou deux, pour faire place à d’autres qui ont la même destinée.

La plupart de nos occupations ne valent guère mieux ; et ce n’était pas un sot que celui qui dit le premier que tout était vanité[2], excepté la jouissance paisible de soi-même.

La substance de tout ce que je vous dis, monsieur, mériterait une place dans votre, journal, si elle était ornée par votre plume. V.


5824. — À M. DUPONT.
Ferney, 20 novembre.

Vous voilà, mon cher ami, du conseil de M. le duc de Wurtemberg : mais songez que vous êtes aussi à la tête du mien. Soyez arbitre entre lui et moi, entre la grandeur et l’amitié.

Il me semble que quelques publicistes allemands prétendent que toutes les terres dépendantes du comté de Montbéliard sont substituées à perpétuité par des pactes de famille. Si cela était, comme je le présume, ma famille risquerait beaucoup ; ma nièce surtout aurait à se plaindre, et il se trouverait que je l’aurais dépouillée de mon bien en voulant le lui assurer. Je sais que M. le duc de Wurtemberg s’oblige pour lui et pour ses hoirs ; mais ces hoirs pourront fort bien ne se point croire obligés. M. le prince Louis-Eugène de Wurtemberg[3], frère du duc régnant, semble même refuser de s’engager par une simple parole d’honnêteté et de générosité qu’on lui demandait : peut-être avec le

  1. Voyez la note, tome XXVI, page 475.
  2. Ecclésiaste, ii, 1.
  3. Voyez la note, tome XXXVII, page 134.