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qu’on suscite à un solitaire âgé de soixante-onze ans, accablé d’infirmités et presque aveugle ; mais il faut que les philosophes aient un peu de courage, et ne se lamentent jamais. J’embrasse de tout mon cœur notre illustre secrétaire.


5801. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 22 octobre.

Monseigneur, mon héros, je ne sais où vous êtes ; je ne sais où est Mme la duchesse d’Aiguillon, qui m’a honoré de deux gros volumes et d’un très-joli petit billet. Permettez que je m’adresse à vous pour lui présenter mes remerciements. Souffrez que je vous parle du tripot de la Comédie, qui tombe en décadence comme tant d’autres tripots. Il y a un acteur excellent, à ce qu’on dit, nommé Aufresne, garçon d’esprit, belle figure, bel organe, plein de sentiment. Il est actuellement à la Haye. Auteurs et acteurs, tout est en pays étranger.

Je me souviens d’avoir vu chez moi cet Aufresne, qui me parut fait pour valoir mieux que Dufresne ; je vous en donne avis. Monsieur le premier gentilhomme de la chambre fera ce qu’il lui plaira.

Il y a dans le monde quelques exemplaires d’un livre infernal intitulé Dictionnaire philosophique portatif. Ce livre affreux enseigne, d’un bout à l’autre, à s’anéantir devant Dieu, à pratiquer la vertu, et à croire que deux et deux font quatre. Quelques dévots, comme les Pompignan, me l’attribuent ; mais ils me font trop d’honneur. Il n’est point de moi ; et si je suis un geai, je ne me pare point des plumes des paons. Il y a un autre livre bien plus diabolique, et fort difficile à trouver : c’est le célèbre Discours de l’empereur Julien contre les Galiléens ou chrétiens, très-bien traduit à Berlin par le marquis d’Argens[1], et enrichi de commentaires curieux. Et, comme vous êtes curieux de ces abominations pour les réfuter, je tacherai de concourir à vos bonnes œuvres en faisant venir de Berlin un exemplaire pour vous l’envoyer, si vous me l’ordonnez.

Je conçois à présent que c’est au printemps que mon héros conduira sa très-aimable fille sur le chemin d’Italie ; et si je ne suis pas mort dans ce temps-là, je me ranimerai pour me mettre à leurs pieds. Le soussigné V. n’est pas dans un moment heureux pour ses yeux ; il présente son respect à tâtons.

  1. Voyez tome XXV, page 178 ; et XXVIII, I.