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mais mon cœur, j’ose le dire, est encore plus sensiblement touché de recevoir ces marques d’amitié de la première personne de son sexe et de son siècle. J’ose dire, madame, que personne na plus senti votre mérite que moi ; mais je ne me bornerai pas à vous admirer ; j’aimais votre caractère autant que votre esprit, et l’éloignement des lieux n’a point diminué ces sentiments. Mme Denis les partage ; elle est pénétrée, comme moi, de ce que vous valez. Recevez les hommages de l’oncle et de la nièce. Vous êtes au-dessus des éloges, vous devez en être fatiguée. On est bien plus sûr de vous plaire quand on vous dit qu’on vous est très-tendrement attaché, et c’est bien certainement ce que je suis avec le plus sincère respect.


5766. — À M.  LE MARÉCHAL DE DE RICHELIEU[1].
À Ferney, 21 septembre.

Mon héros ne m’a point appris dans quel temps Mme la comtesse d’Egmont irait dans ses terres papales. Je me mets aux pieds du père et de la fille ; mais je voudrais savoir si c’est cette automne qu’ils iront du côté des Alpes. Les fêtes que mon héros a données dans son royaume d’Aquitaine ont retenti jusque dans nos déserts. Il soutient toujours l’honneur de la France, en paix comme en guerre. Assurément on lui a bien de l’obligation ; mais on ne l’imite guère en aucun genre.

Je ne sais s’il accompagne Mme d’Egmont en Italie, et s’il veut avoir le plaisir de voir la ville souterraine. Nous voudrions bien lui donner quelque pièce nouvelle sur le théâtre des marionnettes de Ferney. C’est tout ce que nous pouvons lui offrir sur son passage, à moins que nous n’ayons quelque parente de Mme Ménage à lui présenter ; nos Genevoises ne sont pas dignes de lui.

La jolie vie que vous menez, monseigneur le gouverneur de Guienne, tandis que votre substitut[2] ne s’applique au… que des sangsues et se fait charpenter… … ! Ma misérable santé m’empêche de l’aller voir. Je ne sors point de Ferney, et je n’en sortirai que pour vous. J’ai renoncé à la vie ambulante et bruyante : car si vous êtes jeune, je suis vieux, et je ménage le peu de temps qui me reste.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le duc de Lorges.