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Je vous avoue, mes anges, que la simplicité, la candeur, et la docilité de ce bon petit frère, m’ont attendri. Je vous envoie son drame, que je crois assez passablement corrigé. Je le mets sous l’enveloppe de M. le duc de Praslin, et je vous en donne avis.

Je n’ai pas encore pu voir votre aimable ambassadeur vénitien. Il est malade à Genève, et moi à Ferney. Des pluies horribles inondent la campagne, et interdisent tout voyage. J’envoie savoir tous les jours de ses nouvelles.

Vous ne m’aviez pas dit que vous feriez bientôt un tour à Villars. M. le duc de Praslin a sans doute le plus beau palais qui soit autour de Paris, et dans la plus vilaine situation. On dit que tout est horriblement dégradé.

Je compte bien sur ses bontés pour nos pauvres dîmes. Gare la Saint-Martin ! Respect et tendresse.

J’oubliais de vous dire que ce pauvre ex-jésuite a été très fâché qu’on ait intitulé son drame le Partage du Monde[1]. C’est un titre de charlatan.


5745. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
22 auguste.

Vous avez probablement, divins anges, reçu le gros paquet adressé à M. le duc de Praslin. Vous devez être las des fatras de mon ex-jésuite. Il n’y a que vos excessives bontés, soutenues de l’amour du tripot, qui puissent combattre le dégoût que doit vous donner cette œuvre tant rapetassée. Pour moi, je n’en suis plus juge, et, à force de regarder, je ne vois plus rien. Monsieur l’ambassadeur persiste toujours dans son goût pour les roués ; mais il est, comme moi, chez des Allobroges ; et il se peut que dans la disette du bon il trouve le mauvais passable. On me mande que la pauvre Comédie française est déserte, et qu’il faut que vous vous en teniez dorénavant à l’Opéra-Comique. Vous êtes en tous sens dans le temps de la décadence. Continuez, ô Welches ! Je viens de lire deux nouveaux tomes de l’Histoire de France[2]. Maimbourg, Daniel, sont des Tite-Live en comparaison de cette rapsodie ampoulée. Tout est du même genre. Je ne veux plus rien écrire du tout, de peur que la maladie ne me gagne.

  1. Voyez la lettre 5716.
  2. Villaret publia, en 1764, les tomes XII et XIV de l’Histoire de France commencée par Velly, et sur lesquels Voltaire envoya un article à la Gazette littéraire ; voyez tome XXV, page 209.