étonné d’avoir si rarement de mes nouvelles. Je vous ai présenté un Corneille, parce que celui qui fait honneur à l’Italie doit avoir les ouvrages de l’auteur qui fait honneur à la France. C’est précisément par cette raison-là que je ne vous ai pas envoyé mes ouvrages. Une autre raison encore, c’est qu’il n’y en a à Paris que de détestables éditions. Si jamais vous venez à Ferney ou aux Délices, j’espère vous en présenter une moins incorrecte. J’attends les ouvrages dont vous voulez bien me flatter ; ils me consoleront des miens.
Vivez gaiement à Paris, mon cher ami ; ayez autant de plaisir que vous en donnez, et aimez toujours un peu un vieux solitaire qui vous est tendrement attaché jusqu’au dernier moment de sa vie.
Mon cher Esculape, voudriez-vous bien avoir la bonté de me faire renvoyer le volume contenant le manuscrit sur la compagnie des Indes, que vous avez prêté à M. de Labat ? Je vous serais très-obligé.
Que dites-vous de ce fou de Jean-Jacques, qui imprime que je suis le, plus violent et le plus adroit de ses persécuteurs ? Vit-on jamais plus absurde démence ? Ce philosophe n’est pas plus guéri de sa folie que de ses carnosités. Il cherche à faire la guerre ; mais je ne mettrai pas mes troupes en campagne contre lui.
Mon cher Esculape, quoi que vous en disiez, je baisse infiniment, mais je vous aime de même.
Je passe ma vie à me tromper, madame ; mais aussi il y a des moments où vous n’avez pas raison en tout. Vous me dites que je ne veux pas voir Mme de Jaucourt. Je serai assurément charmé si je peux l’attirer chez moi ; mais je suis à deux grandes lieues d’elle ; je ne sors point, et je ne peux sortir. Ma nièce est allée la voir, et Mme de Jaucourt ne lui a pas rendu sa visite.
- ↑ Éditeurs, Bavoux et François. — Cette lettre est de 1764 et non de 1765, comme l’ont cru les premiers éditeurs.