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de préférence. N’est-il pas un des élus ? Permettez que je mette ici une lettre pour lui.

Il y a un M. Blin de Sainmore qui a fait un joli recueil de vers ; il lui faut un Corneille. Je voudrais bien que frère Thieriot me fît l’amitié de le voir, et de lui donner de ma part un exemplaire. Frère Thieriot pourrait l’engager à donner un supplément des fautes que je n’ai pas remarquées, et à faire en général quelques bonnes réflexions sur l’art dramatique : ce M. Blin de Sainmore en est très-capable.

Il y a encore un M. de Belloi qui a fait des tragédies, qui s’y connaît, qui aime Racine ; il demeure dans l’impasse, dit-il, des Quatre-Vents. Vous m’avouerez qu’un homme qui donne son adresse dans un impasse, et non dans un cul-de-sac, n’est pas welche, et mérite un Corneille. Il me parait essentiel d’en donner à ceux qui peuvent défendre le bon goût contre le préjugé.

Je vous supplie, mon cher frère, d’envoyer le petit billet ci-joint à M. Mariette[1] ; vous pouvez lui dire ou lui faire dire que quatre personnes lui en enverront chacune autant, et que je paye ma quote part le premier. Cela m’épargnera la peine d’écrire ; je n’ai pas de temps à perdre ; l’inf… m’occupe assez.

Je vous embrasse, mon cher frère ; je vous demande mille pardons de toutes les peines que je vous donne pour le Corneille. J’abuse excessivement de votre amitié.


5673. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[2].
Aux Délices, près de Genève, 15 juin 1764.

Madame, mon ombre ne prend plus guère la liberté d’écrire à Votre Altesse sérénissime ; les années et les maladies s’opposent aux devoirs comme aux plaisirs. Je suis réduit à m’entretenir en silence du souvenir de vos bontés. Souffrez cependant, madame, que j’aie l’honneur de renouveler mes remerciements à Votre Altesse sérénissime au sujet de cette famille infortunée des Calas, si cruellement traitée à Toulouse et si généreusement secourue par votre bienfaisance. Vos bienfaits lui ont porté bonheur. L’arrêt inique et barbare des juges de Toulouse vient d’être cassé d’une voix unanime par tout le conseil d’État du roi. Jamais

  1. M. Mariette ne voulut point recevoir le mandat ; il fut renvoyé à M. de Voltaire. (K.)
  2. Éditeurs, Bavoux et François.