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quand il dira du bien de quelqu’un, on peut compter qu’il le méprise. Vous voyez bien qu’il n’a pu faire de moi qu’un ingrat, et qu’il n’est guère possible que j’aie pour lui les sentiments dont vous dites qu’il m’honore. Paix en terre aux hommes de bonne volonté[1] ; mais vous m’apprenez que maître Aliboron a toujours été de volonté très-maligne. Je n’ai jamais lu son Année littéraire ; je vous en crois seulement sur votre parole.

Pour vous, monsieur, je crois que vous êtes de la meilleure volonté du monde, et je suis très-persuadé que vous n’avez imprimé contre moi rien que de fort plaisant pour réjouir la cour ; ainsi je suis pacifiquement, monsieur, votre, etc.


5657. — À M. DE CHAMFORT.
Au Délices, 25 mai.

Je vous fais, monsieur, des remerciements bien sincères de votre lettre et de votre pièce. La Jeune Indienne[2] doit plaire à tous les cœurs bien faits. Il y a d’ailleurs beaucoup de vers excellents. J’aime à m’attendrir à la comédie, pourvu qu’il y ait du plaisant. Vous avez, ce me semble, très-bien réussi dans ce mélange si difficile : je suis persuadé que vous irez très-loin. C’est une grande consolation pour moi qu’il y ait dans Paris des jeunes gens de votre mérite. Je donnerais ici plus d’étendue aux sentiments que vous m’inspirez si mes yeux presque aveugles me le permettaient. Je n’écris qu’avec une difficulté extrême ; mais cette peine est bien adoucie par le plaisir de vous assurer de toute l’estime avec laquelle j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc.


5658. — À M. DE LA HARPE.
Aux Délices, 25 mai.

Avec une fluxion sur les yeux qui m’a privé de la vue pendant six mois, avec une extinction de voix m’empêche de dicter, il faut pourtant que je vous dise, mon cher confrère[3], combien

  1. Paroles qui se disent à la messe dans le Gloria in excelsis, et qui sont, de l’évangile de saint Luc, chapitre ii, verset 14.
  2. Voyez la note 2, page 221. S.-B.-N. Chamfort, né en 1741, est mort le 13 avril 1794.
  3. Confrère en Apollon, car ce ne fut qu’en 1776 que La Harpe devint, confrère de Voltaire à l’Académie française.