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il faut la laisser désirer un peu au public. Cette pièce forme un spectacle si singulier qu’on la reverra toujours avec plaisir, à peu près comme on va voir la rareté, la curiosité[1] ; elle ne doit pas être prodiguée.

Est-il vrai que frère Helvétius est en Angleterre ? On dit que la France a fait l’échange d’Helvétius contre Hume.

Je viens de passer une journée entière avec le comte de Creutz, ambassadeur de Suède à Madrid. Plût à Dieu qu’il le fût en France ! C’est un des plus dignes frères que nous ayons. Il m’a dit que le nouveau Catéchisme, imprimé à Stockholm, commençait ainsi :

D. Pourquoi Dieu vous a-t-il créé et mis au monde ?

R. Pour le servir et pour être libre.

D. Qu’est-ce que la liberté ?

R. C’est de n’obéir qu’aux lois.

Ce n’est pas là le catéchisme des Welches.

Mon cher frère, si jamais M. Le Clerc de Montmercy fait des vers, dites-lui qu’il en fasse moins, par la raison même qu’il en fait quelquefois de fort beaux : mais multiplicasti gentem, non multiplicasti lætitiam[2]. Le moins de vers qu’on peut faire, c’est toujours le mieux.

Je viens de recevoir le mot de l’énigme de la belle paix entre l’illustre Fréron et moi. Panckoucke m’écrit une longue lettre, par laquelle il demande un armistice, et propose des conditions. Je vous enverrai la lettre et la réponse[3], dès que j’aurai des yeux ou la parole.

Bonsoir ; j’ai trente lettres à dicter ; mon imagination se refroidit, mais mon cœur est toujours bien chaud pour vous. Écr. l’inf…


5655. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
24 mai.

Vous me faites une peine extrême, madame : car vos tristes idées ne sont pas seulement du raisonner, c’est de la sensation. Je conviens avec vous que le néant est, généralement parlant, préférable à la vie. Le néant a du bon ; consolons-nous, d’habiles gens prétendent que nous en tâterons. Il est bien clair, disent-ils d’après Sénèque et Lucrèce, que nous serons, après notre mort,

  1. Refrain d’une chanson ; voyez, tome XLII, la note, page 481.
  2. Isaïe, ix, 3.
  3. Voyez tome XXV, page 254.