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se déclare en notre faveur : car ce M. Le Bault, qui préside actuellement le parlement de Bourgogne, est celui qui nous fournit de bon vin, et il n’en fournit point aux curés.

Nota. Ce n’est point un ex-jésuite qui a fait les roués, c’est un jeune novice qui demanda son congé dès qu’il sut la banqueroute du Père La Valette et qu’il apprit que nosseigneurs du parlement avaient un malin vouloir contre saint Ignace de Loyola. Le public, sans doute, protégera ce pauvre diable ; mais le bon de l’affaire, c’est qu’elle amusera mes anges. Je crois déjà les voir rire sous cape à la première représentation[1].

Je ne pourrai me dispenser de mettre incessamment M. de Chauvelin de la confidence. Comme c’est une affaire d’État, il sera fidèle. S’il était à Paris, il serait un de vos meilleurs conjurés ; mais vous n’avez besoin de personne. Je viens de relire la pièce ; elle n’est pas fort attendrissante. Les Welches ne sont pas Romains ; cependant il y a je ne sais quel intérêt d’horreur et de tragique qui peut occuper pendant cinq actes.

Je mets le tout sous votre protection.

Respect et tendresse.


5653. — À MADAME LA DUCHESSE DE GRAMMONT[2].

Madame, vous m’avez permis de prendre la liberté de vous écrire quelquefois. M. l’abbé de Voisenon, qui ne laisse pas d’être sérieux quand il le faut, m’a assuré très-sérieusement que vous receviez mes lettres avec bonté ; et il faut qu’il vous connaisse bien, car il vous regarde comme le modèle du goût, de la raison, et de la bienfaisance.

Je me crois bien autorisé aujourd’hui à profiter de cette permission que vous me donnez. Voici, madame, un Suisse, un Hollandais auprès de qui je veux me faire valoir : je lui fais accroire que vous daignerez souffrir ma lettre. Je suis, comme vous savez, Suisse aussi, et ma vanité est de passer pour votre protégé. Je vous supplie, madame, de ne me pas désavouer auprès de M. Constant[3]. Il est vrai qu’il est fils d’un général

  1. Elle fut donnée le 5 juillet 1764.
  2. Cette lettre, qui avait été placée en janvier, me paraît postérieure à la lettre à d’Argental du 14 mai. Béatrix Choiseul de Stainville, épouse du duc de Grammont, née vers 1730, est morte sur l’échafaud révolutionnaire en 1794. (B.)
  3. Constant d’Hormenches, le protégé de Voltaire, fut bientôt admis au service de France ; voyez la lettre à Richelieu, du 27 janvier 1765.