Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de là que je n’ai pas une bonne tête, mais ne me dites point que c’est ma faute, si vous ne voulez pas vous contredire vous-même. Vous m’avez écrit, dans une de vos dernières lettres, que nous n’étions pas plus maîtres de nos affections, de nos sentiments, de nos actions, de notre maintien, de notre marche, que de nos rêves. Vous avez bien raison, et rien n’est si vrai. Que conclure de tout cela ? Rien, et mille fois rien ; il faut finir sa carrière en végétant le plus qu’il est possible.

Une seule chose me ferait plaisir, c’est de vous lire. Si j’étais avec vous, j’aurais l’audace de vous faire quelques représentations sur quelques-unes de vos critiques sur Corneille. Je les trouve presque toutes fort judicieuses ; mais il y en a une dans les Horaces à laquelle je ne saurais souscrire ; mais vous vous moqueriez de moi si j’entreprenais une dissertation.

Ayez bien soin de votre santé ; vous adoucissez mes malheurs par l’assurance que vous me donnez de votre amitié et le plaisir que me font vos lettres.


5649. — À M.  DAMILAVILLE.
Aux Délices, 19 mai.

Je vous remercie bien, mon cher frère, de votre lettre du 11 de mai. Je me souviens que Catherine Vadé pensait comme vous, et disait à Antoine Vadé, frère de Guillaume : « Mon cousin, pourquoi faites-vous tant de reproches à ces pauvres Welches ? — Eh ! ne voyez-vous pas, ma cousine, répondit-il, que ces reproches ne s’adressent qu’aux pédants qui ont voulu mettre sur la tête des Welches un joug ridicule ? Les uns ont envoyé l’argent des Welches à Rome ; les autres ont donné des arrêts contre l’émétique et le quinquina ; d’autres ont fait brûler des sorciers ; d’autres ont fait brûler des hérétiques, et quelquefois des philosophes. J’aime fort les Welches, ma cousine ; mais vous savez que quelquefois ils ont été assez mal conduits. J’aime d’ailleurs à les piquer d’honneur, et à gronder ma maîtresse. »

Voilà ce que disait ce pauvre Antoine, dont Dieu veuille avoir l’âme ! Et il ajoutait que tant que les Welches appelleraient un angiportus cul-de-sac, il ne leur pardonnerait jamais.

À l’égard du dessein où sont les libraires de Paris d’imprimer les Remarques à part, ce dessein ne pourrait être exécuté que longtemps après que M. Pierre Corneille, le petit-neveu, se serait défait de sa pacotille ; et si je ne puis empêcher cette édition, il vaut mieux qu’elle soit bien faite et correcte qu’autrement. Ainsi, quand vous verrez mes anges, je vous prie d’examiner avec eux s’il n’est pas convenable de faire dire aux libraires, de ma part, que je les aiderai de tout mon cœur dans leur projet : cette espérance qu’ils auront les empêchera de se hâter, et ils pour-