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Adieu, madame ; prenez-les pour ce qu’ils sont, et vivez aussi heureuse que vous le pourrez, en les méprisant et en les tolérant.


5434. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
11 octobre.

Le second livre des Machabèes, livre écrit très-tard, et que saint Jérôme ne regarde point comme canonique, n’a rien de commun avec la loi des Juifs. Cette loi consiste dans le Décalogue, dans le Lévitique, dans le Deutéronome, et elle passe, chez les Juifs, pour avoir été écrite quinze cents ans avant le livre des Machabées.

Vouloir conclure qu’une opinion qui se trouve dans les Machabées était l’opinion des Juifs du temps de Moïse serait une chose aussi absurde que de conclure qu’un usage de notre temps était établi du temps de Clovis. Il est indubitable que la loi attribuée à Moïse ne parle en aucun endroit de l’immortalité de l’âme, ni des peines et des récompenses après la mort. La secte des pharisiens n’embrassa cette doctrine que quelques années avant Jésus-Christ ; elle ne fut connue des Juifs que longtemps après Alexandre, lorsqu’ils apprirent quelque chose de la philosophie des Grecs dans Alexandrie. Au reste, il est clair que les livres des Machabées ne sont que des romans ; l’histoire y est falsifiée à chaque page ; on y rapporte un traité prétendu fait entre les Romains et les Juifs, et voici comme on fait parler le sénat de Rome dans ce traité :

« Bénis soient les Romains[1] et la nation juive sur terre et sur mer, à jamais ! et que le glaive et l’ennemi s’écartent loin d’eux ! »

C’est le comble de la grossièreté et de la sottise de l’écrivain d’attribuer ainsi au sénat romain le style de la nation juive. Il y a quelque chose de plus ridicule encore, c’est de prétendre que les Lacédémoniens et les Juifs[2] venaient de la même origine. Les livres des Machabées sont remplis de ces inepties. On y reconnaît à chaque page la main d’un misérable Juif d’Alexandrie, qui veut quelquefois imiter le style grec, et qui cherche toujours à faire valoir sa petite nation. Il est vrai que, dans la relation du prétendu martyre des Machabées, on représente la mère comme

  1. Premier livre des Machabées, chap. viii, v. 23.
  2. Ibid., chap. xii, v. 21.