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5424. — À M. PROST DE BOYER[1].
À Ferney, 1er octobre.

Je vous remercie, monsieur, du plus court et du meilleur livre qu’on ait écrit depuis longtemps[2]. La raison et l’éloquence l’ont dicté ; on ne peut y répondre que par du fanatisme et du galimatias. Je ne doute pas que votre archevêque[3] ayant, comme vous, beaucoup d’esprit et de lumières, ne soit entièrement de votre avis dans le fond de son cœur. Il est trop bon citoyen pour soutenir une absurdité qui ruinerait l’État. Des systèmes établis dans des temps de ténèbres doivent disparaître dans notre siècle ; et vous aurez la gloire d’avoir détruit le plus pernicieux des préjugés. Il faut avouer que nous avons encore beaucoup de lois absurdes et contradictoires : on les doit à l’esprit monacal, qui a régné trop longtemps. Il est également triste et honteux pour nos tribunaux d’être réduits à éluder ce que sans doute ils voudraient abolir ; mais on trouve la superstition en possession de la maison, on n’ose pas l’en chasser tout d’un coup, et on se contente d’y loger avec elle.

Ce que vous dites des cinq talents qui devaient en produire cinq autres m’a toujours frappé ; mais j’avoue que cet intérêt à cent pour cent m’avait paru un peu trop fort. Cela fait voir qu’il y a bien des choses qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre.

Il est très-vrai, monsieur, que MM. Tronchin et Camp me donnent quatre pour cent du peu d’argent qu’ils ont à moi ; M. le cardinal de Tencin en tirait cinq : et si monsieur votre archevêque fait bien, il en tirera autant, attendu qu’au bout de l’année il donnera aux pauvres vingt-cinq mille livres au lieu de vingt mille.


5425. — À M. DAMILAVILLE.
4 octobre.

Mon cher frère, voici d’abord un paquet qu’on m’a envoyé de Hollande pour vous.

À l’égard de Mlle Clairon, il importe peu qu’elle mérite ou non l’attention qu’on a de lui envoyer ce que vous savez[4] : elle est

  1. Antoine-François Prost de Boyer, né à Lyon le 5 septembre 1729, mort à Lyon le 21 septembre 1784.
  2. Voyez la note 2 de la page précédente.
  3. Montazet.
  4. Un Catéchisme de l’Honnête Homme.