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5539. — À M. RIBOTTE[1].
27 janvier 1764.

D’une main on donne le fouet aux parlements, et de l’autre on les caresse ; on déclare que les commandants n’ont fait qu’obéir aux ordres supérieurs, et on les rappelle ; on chasse les jésuites, et on en garde quatorze à la cour qui confessent, ou font semblant de confesser. On est irrité des remontrances, et on invite à en faire ; ce monde est gouverné par des contradictions.

Nous verrons quelle contradiction résultera du procès des Calas, qui est actuellement sur le bureau : est-il vrai que votre parlement s’est avisé de casser l’arrêt de celui de Paris, qui cassait le décret d’appréhension au corps du duc commandant de la province ?

S’il y a quelque sottise nouvelle, M. Ribotte est prié d’en faire part à celui qui rit de toutes les sottises qui sont frivoles, et qui tâche de réparer celles qui sont barbares.


5540. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[2].
Aux Délices, 27 janvier.

Oui, je perds les deux yeux vous les avez perdus,
Ô sage du Deffant ! est-ce une grande perte ?
Ô sage dDu moins nous ne reverrons plus
Ô sage dLes sots dont la terre est couverte.
Et puis tout est aveugle en cet humain séjour ;
On ne va qu’à tâtons sur la machine ronde.
On a les yeux bouchés à la ville, à la cour ;
Ô sage dPlutus, la Fortune, et l’Amour,
Sont trois aveugles-nés qui gouvernent le monde.
Si d’un de nos cinq sens nous sommes dégarnis,
Nous en possédons quatre ; et c’est un avantage
Que la nature laisse à peu de ses amis,
Ô sage dLorsqu’ils parviennent à notre âge.
Nous avons vu mourir les papes et les rois ;
Nous vivons, nous pensons ; et notre âme nous reste.

  1. Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme français : Paris, 1856, page 244.
  2. Cette lettre a été imprimée séparément sous ce singulier intitulé : Aux Plaisirs, 27 janvier 1764. On a mis à la suite les Vers de M. de La Harpe à Mlle Dumesnil. Le tout forme huit pages in-8o.