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d’être à sa cour. Je vous embrasse bien tendrement. Les lettres d’un malade ne peuvent être longues.


5536. — DU CARDINAL DE BERNIS.
Au Plessis, le 26 janvier.

Quand on est heureux, il faut être modeste. C’est pour cela, mon cher confrère, qu’après avoir remercié le roi, je suis venu remercier la campagne, qui m’a rendu la santé, et dont le séjour a achevé de me désabuser des grandeurs humaines. Vous devez avoir reçu une lettre de moi à mon retour de Versailles[1]. J’ai publié une amnistie générale pour tous mes déserteurs ; je les reçois comme un homme du monde, qui est accoutumé au flux et au reflux des amis, selon les circonstances, et comme un philosophe qui plaint les hommes, outre les maladies qui affligent l’humanité, d’être encore sujets aux basesses et aux platitudes. Les lettres feront mon occupation et mon bonheur, comme elles ont fait mon sort, ou du moins beaucoup contribué à ma fortune. Quand mes affaires seront arrangées, j’aurai l’hiver une maison à Paris, et je jouirai l’été de la dépense que j’ai faite sur les bords de l’Aisne. Voilà mon plan, que Dieu seul et la toute-puissance du roi peuvent déranger. Je crois vous avoir mandé que je n’ai rien perdu de l’ancienne amitié de Mme  de Pompadour, et que j’ai beaucoup à me louer de M. le duc de Choiseul. C’est tout ce qu’en moi l’homme d’honneur et l’homme sensible pouvaient désirer. Un Traité de la Tolérance est un ouvrage si importante mais si délicat, que je crois plus prudent de vous prier de ne pas me l’adresser. Je suis un peu enrhumé. Priez Dieu que je ne m’enrhume pas davantage à la procession des chevaliers de l’ordre. Il y a des gens qui se moqueraient de moi, en me voyant recourir à vos prières. Pour moi, j’aurai toujours espérance et confiance dans une âme que Dieu a embellie des lumières les plus pures et des sentiments les plus nobles.

Adieu, mon cher Tirésie, qui voyez si clair. L’hiver va finir : vous retrouverez vos yeux au printemps.


5537. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 27 janvier.

Dites-moi donc, mes anges, si vous avez enfin reçu un cinquième acte et un conte. Une certaine inquisition se serait-elle étendue jusque sur ces bagatelles ? et quand le lion ne veut pas souffrir de cornes dans ses États, faut-il encore que les lièvres craignent i) our leurs oreilles ? L’aventure de la Tolérance me fait beaucoup de peine. Je ne peux concevoir qu’un ouvrage que

  1. Celle du 16 janvier.