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une seule branche pour me chauffer ; j’ai embelli et amélioré sa terre, j’y ai dépensé plus d’un tiers au delà de nos conventions, quoiqu’elle ne me rapporte qu’environ douze cents livres de rente, au lieu de trois mille cinq cents pour lesquelles elle m’a été donnée dans le contrat. Si M. le président de Brosses avait pu être instruit de toutes ces vérités, il aurait eu plus de confiance en moi et j’aurais eu le plaisir de rendre sa terre de Tournay la plus agréable de la province. C’est à quoi j’avais mis toute mon application, et tous ceux qui ont vu Tournay peuvent lui en rendre témoignage. Quoi qu’il en soit, monsieur, son intérêt est évidemment joint au mien dans l’affaire des dîmes ; je me mets entièrement entre vos mains ; j’attends tout de votre protection[1] : mon curé, qui s’enivre tous les jours, pourra boire plus que moi à votre santé ; mais il n’aura jamais autant de reconnaissance et d’attachement que j’en ai pour vous.

Je suis avec un profond respect, monsieur, votre trés-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

Une fluxion que j’ai depuis six mois sur les yeux, et qui me menace de la perte de la vue, me prive de l’honneur de vous écrire de ma main.


5532. — M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 20 janvier.

Ce n’est pas un petit renversement du droit divin et humain que la perte d’un conte à dormir debout, et d’un cinquième acte qui pourrait faire le même effet sur le parterre, qui a le malheur d’être debout à Paris. J’ai écrit à mes anges gardiens une lettre ouverte que j’ai adressée à M. le duc de Praslin ; j’adresse aussi mes complaintes douloureuses et respectueuses à M. Janel, qui, étant homme de lettres, doit favoriser mon commerce. Je conçois après tout que, dans le temps que l’Anti-financier causait tant d’alarmes, on ait eu aussi quelques inquiétudes sur l’Anti-intolérant[2] ; ce dernier ouvrage est pourtant bien honnête, vous l’avez approuvé. MM. les ducs de Praslin et de Choiseul lui don-

  1. Pas tout cependant, car il écrivait le 10 avril 1764 au comte d’Argental : « Je crois qu’un bel arrêt du conseil vaudrait bien mieux, et je l’espérerai jusqu’au dernier moment. »
  2. Le Traité sur la Tolérance.