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5364. — À M. PIGALLE[1].
De Ferney, 10 auguste.

Il y a longtemps, monsieur, que j’ai admiré vos chefs-d’œuvre[2], qui décorent un palais du roi de Prusse, et qui devraient embellir la France. La statue dont vous ornez la ville de Reims me paraît digne de vous ; mais je peux vous assurer qu’il vous est beaucoup plus aisé de faire un beau monument qu’à moi de faire une inscription[3]. La langue française n’entend rien au style lapidaire. Je voudrais dire à la fois quelque chose de flatteur pour le roi et pour la ville de Reims ; je voudrais que cette inscription ne contînt que deux vers ; je voudrais que ces deux vers plussent au roi et aux Champenois ; je désespère d’en venir à bout.

Voyez si vous serez content de ceux-ci :


Peuple fidèle et juste, et digne d’un tel maître,
L’un par l’autre chéri, vous méritez de l’être.


Il me paraît que, du moins, ni le roi ni les Rémois ne doivent se fâcher. Si vous trouvez quelque meilleure inscription, employez-la. Je ne suis jaloux de rien ; mais je disputerai à tout le monde le plaisir de sentir tout ce que vous valez.

J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que vous méritez, etc.


5365. — À M. THIERIOT[4].
De Ferney, 10 auguste.

Frère, vous m’avez donné une terrible commission. Notre langage gaulois n’est point fait pour les inscriptions. Quand vous voudrez du style lapidaire, commencez par retrancher les verbes auxiliaires et les articles. J’essaye pourtant de louer le roi et

  1. J.-B. Pigalle, sculpteur, né à Paris en 1714, mort le 20 août 1785. Ce fut lui qui, en 1770, fit la statue de Voltaire qui est aujourd’hui dans la bibliothèque de l’Institut.
  2. Les statues de Mercure et de Vénus.
  3. Pour la statue de Louis XV, faite par Pigalle pour la ville de Reims.
  4. Dans la Correspondance de Grimm, première partie, tome III, page 471, cette lettre est imprimée sans le nom de la personne à qui elle est adressée. En l’admettant dans les Œuvres de Voltaire en 1818, on y mit le nom de Damilaville. Mais c’est avec celui de Thieriot que cette lettre est imprimée dans les Pièces inédites de Voltaire, 1820, in-8o.